Les grandes gueules, film de Robert Enrico, commentaire

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Les grandes gueules,
      1966, 
 
de : Robert  Enrico, 
 
  avec : Bourvil, Lino Ventura, Marie Dubois, Jess Hahn, Michel Constantin, Jean-Claude Rolland, Nick Stephanini, Paul Crauchet,
 
Musique : François de Roubaix


   
Hector Valentin (Bourvil) revient du Canada, bien décidé à reprendre la scierie que son père possédait dans un coin reculé des Vosges. Mais, dès son arrivée, il est contacté par Lucien Therraz (Nick Stephanini), propriétaire d'une importante entreprise de bois, qui souhaite racheter le bien d'Hector. Devant le refus de celui-ci, il laisse entendre que la concurrence sera agressive. Un jour, Valentin rencontre deux hommes, qui recherchent du travail : Laurent (Lino Ventura) et Mick (Jean-Claude Rolland). Il les embauche, bien qu'il apprenne rapidement qu'il s'agit d'ex-taulards. Devant la difficulté de trouver de la main-d'oeuvre, Hector accepte, à contre-coeur, la proposition de Laurent : faire venir des condamnés en liberté conditionnelle... 
 
   Un film d'hommes avant tout, même s'il est ponctuellement illuminé par la grâce de Marie Dubois. Ecrit par Jose Giovanni, pour qui le milieu carcéral n'avait guère de secrets, le film aborde avec intelligence et authenticité plusieurs thèmes : la difficile réinsertion dans le milieu professionnel d'individus naturellement asociaux, ou qui le sont devenus par l'incarcération ; la répulsion naturelle éprouvée envers tout étranger, qui plus est, catalogué dangereux, par la population locale, frileuse et autarcique ; la vie inhumaine des travailleurs condamnés à vivre dans un isolement quasi complet toute l'année. Sans manichéisme, l'histoire développe, sur fond d'intrigue policière larvée, qui a la sagesse de ne jamais phagocyter le sujet principal, les relations emplies d'agressivité qui se mettent en place, tant à l'intérieur du groupe même des prisonniers, qu'à l'extérieur, avec les employés de l'odieux Therraz. Sans esbroufe, avec lucidité, le drame progresse lentement, implacablement, toujours efficace, jamais ennuyeux. Si Lino Ventura, égal à lui-même, taciturne et viril, se montre impérial, c'est Bourvil, que l'on a connu, si souvent, en corniaud ("La grande vadrouille" est d'ailleurs sortie la même année que ce film), qui domine toute l'oeuvre, prouvant, comme ce sera le cas dans "Le cercle rouge", quatre ans plus tard, qu'il était un acteur dramatique de premier ordre.
   
Bernard Sellier