L'homme de sa vie, film de Zabou Breitman, commentaire

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L'homme de sa vie,
     2006, 
 
de : Zabou  Breitman, 
 
  avec : Lea Drucker, Bernard Campan, Charles Berling, Eric Prat, Niels Lexellent, Anna Chalon, Zabou Breitman,
 
Musique : Liviu Badiu, Laurent Korcia


   
Frédéric (Bernard Campan) passe ses vacances dans un village de la Drôme en compagnie de sa femme Frédérique (Léa Drucker), de leur fils Arthur (Niels Lexellent), et de membres de leur famille. Ils invitent un soir leur voisin, Hugo (Charles Berling), qui affiche crânement son homosexualité... 
 
   Après avoir vu le premier long métrage de Zabou Breitman, le très émouvant 'Se souvenir des belles choses', il ne fait aucun doute que la réalisatrice oeuvre dans la sensibilité et l'émotion. Le sujet de ce second film et son traitement cinématographique confirment cette tendance profonde. Durant les deux (longues) heures du film, le spectateur assiste à l'émergence progressive de l'attirance que peut éprouver un homme pour un autre. Elle se développe avec une délicatesse infinie, affleure à travers de simples gestes, des regards, des silences. Jusqu'aux deux tiers du film, il semble que Hugo soit un monolithe affirmé, campé dans sa forteresse d'indépendance, d'égocentrisme, voire de cynisme. Face à lui, Frédéric affiche l'apparence d'une éponge, avec une malléabilité et une fragilité qui annoncent l'irruption d'une inévitable brisure. Mais tout n'est pas aussi simple, comme le prouve l'une des dernières scènes entre Hugo et ce qui reste de son père. Tous ces bouleversements émotionnels s'opèrent dans la douceur, dans le suggéré, parfois dans l'onirisme. Charles Berling, Léa Drucker et au premier plan Bernard Campan se montrent impériaux dans cette valse des sentiments. 
 
   La seconde qualité évidente de cette oeuvre réside dans la mise en scène très riche, très élaborée, originale à maintes reprises (les lettres qui forment des mots lorsque le soleil éclaire la pièce sous certains angles). Mais c'est là aussi que le bât blesse. Le récit est particulièrement chétif pour un film de cette durée. Si l'on excepte la dispensable scène dans laquelle Ilse (Caroline Gonce) se voit agressée par le grand-père, les noeuds dramatiques sont totalement absents et les événements un tant soit peu marquants sont presque aussi inexistants. Pour compenser ce déficit, Zabou Breitman a choisi plusieurs voies. La répétitivité, l'étirement, et un amoncellement de symboles. Or ces trois options ont deux conséquences néfastes : elles alourdissent considérablement le film, et tempèrent grandement l'empathie que le spectateur devrait ressentir pour le malheureux Frédéric écartelé. On ne compte plus les les plans où rideaux s'envolent sous le mistral ( tempête sous un crâne et dans les coeurs ). L'un des enfants n'en finit pas de regarder on ne sait quoi au microscope ( analyse ultra fine des sentiments et des émotions ). Les scènes de danse s'étalent avec volupté ( danse des corps et des âmes ). Les soirées pendant lesquelles Frédéric et Hugo dissertent au clair de lune sur la psycho-philosophie de l'amour, du couple, de la vie, de l'impermanence, ne se comptent plus... Tout cela est esthétiquement très beau, mais finit par devenir pesant et contre productif d'impact émotionnel. Et, dernier regret, les personnalités secondaires sont particulièrement transparentes. 
 
   Une oeuvre qui, au bout du compte, se révèle paradoxalement tiède et distanciée.
   
Bernard Sellier