L'homme irrationnel, film de Woody Allen, commentaire

  Bienvenue sur le site d'un manipulateur de mots, passionné d'écriture, de cinéma, de musique, d'ésotérisme...     

Un homme irrationnel,
       (Irrational man),      2015, 
 
de : Woody  Allen, 
 
  avec : Emma Stone, Joaquin Phoenix, Parker Posey, Betsy Aidem, Ethan Phillips, Joe Stapleton, Paula Plum, Jamie Blackley,
 
Musique : Jean-Sébastien Bach


   
Ne pas lire avant d'avoir vu le film...

   
Abe Lucas (Joaquin Phoenix) est un professeur de philosophie profondément déprimé à la suite de la mort d'un ami et de la trahison de sa femme. Il intègre un nouveau poste où il fait la connaissance d'une élève, Jill Pollard (Emma Stone). Celle-ci est amoureuse d'un étudiant, Roy (Jamie Blackley), mais elle découvre peu à peu une attirance particulière pour Abe... 
 
   L'histoire est commentée en voix off, alternativement par Abe et par Jill. Comme toujours dans les oeuvres de Woody Allen, même mineures, la philosophie et plus particulièrement ici, le sens de la vie, sont à l'ordre du jour. Le personnage incarné avec une subtile distanciation par Joaquin Phoenix est un être complexe et psychologiquement très perturbé. Plusieurs drames l'ont frappé, et les souffrances subies ont généré un pessimisme radical, un processus d'auto-destruction doublé d'impuissance, une résignation morbide. Tout cela conforté par des références philosophiques, toujours susceptibles de justifier n'importe quelle attitude face à la vie. Mais cette attitude suicidaire programmée va brusquement se voir balayée par un événement en apparence anodin. Par un paradoxe que seuls les esprits philosophiques sont à même de concevoir et d'intégrer, c'est le fait de donner la mort qui va faire réapparaître le goût de vivre, et, plus encore, l'envie d'aimer. Avec, en arrière-fond, une inébranlable persuasion pathologique que l'acte était totalement justifié. On retrouve ici, de manière évidemment beaucoup plus superficielle et soft, les théories développées à l'infini par le Marquis de Sade dans ses ouvrages. 
 
   La facture de l'histoire est très classique. Beaucoup moins inventive tant dans le fond que dans la forme visuelle, d'un "Minuit à Paris" par exemple. La trame se déroule de manière très linéaire, et, si le dénouement n'est pas forcément prévisible, il n'en reste pas moins que la logique événementielle règne en maîtresse tout au long du récit. Ce qui demeure toujours aussi délectable dans l'univers de Woody Allen, c'est son art souverain de plonger dans les noirceurs de l'âme humaine avec une légèreté constante. Si l'on fait exception de la dernière minute du film, tout ce qui précède est observé avec une élégance teintée d'humour, comme si des éléments aussi lourds que le jeu de la roulette russe, une discussion sur son propre crime, ou l'assassinat d'un être humain, n'étaient qu'une suite de jeux intellectuels entre esprits brillants. 
 
   Un petit régal.
   
Bernard Sellier