Hunters, Saison 1, série de David Weil, commentaire

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Hunters,
      Saison 1,     2017, 
 
de : David  Weil..., 
 
  avec : Al Pacino, Logan Lerman, Lena Olin, Saul Rubinek, Dylan Baker, Greg Austin, John Noble, Carol Kane, Josh Radnor,
 
Musique : Cristobal Tapia de Veer


   
À Brooklyn, le jeune Jonah Heidelbaum (Logan Lerman) voit sa grand-mère assassinée par un homme vêtu de noir. Lors des funérailles, il rencontre un personnage mystérieux, Meyer Offerman (Al Pacino), qui a connu la morte dans un camp nazi et lui doit la vie. Pendant ce temps, dans le Maryland, le politicien Biff Simpson (Dylan Baker) est reconnu comme un ancien boucher nazi par une jeune femme. Il l'abat ainsi que la demi-douzaine de parents et témoins qui se trouvaient sur place... 
 
   Autant dire que ça commence fort. Avec la première scène, le spectateur pourrait même se croire chez les frères Coen ou chez Quentin Tarentino. Puis le récit semble prendre une tournure plus classique avec le drame intime vécu par le jeune Jonah. Mais c'est sans compter sur l'audace et l'inventivité roublarde des auteurs. En fait, nous aurons droit tout au long de cette première saison à une alternance constante de rigueur maîtrisée et de moments de délires incongrus qui ne manquent pas d'apporter une touche assez iconoclaste dans un sujet pour le moins sensible et traumatisant. Dans la première catégorie, il y a bien sûr nombre de flashback qui entraînent le spectateur dans les horreurs vécues au sein des camps de concentration. On n'est pas près d'oublier l'échiquier vivant, la séance de torture subie par Meyer, ou encore la leçon de musique. 
 
   Pour ce qui est de la seconde catégorie, nous sommes plongés dans une espèce de parodie insolente et jouissive des teasers à la mode des années 70. Ce sont des petites grenades d'humour régressif visuellement agressives qui sont ponctuellement dégoupillées. Par exemple la présentation de l'équipe des "hunters", sous forme de show TV ou westernien, un dessin animé qui s'invite, un jeu télévisé : "Pourquoi tout le monde hait les Juifs ?", ou encore la pub vantant le charme de Huntsville, sans omettre le personnage inénarrable de Biff, dont le look improbable et le cabotinage ignoble semblent tout droit sortis d'un cartoon. 
 
   Il est incontestable que la forme adoptée par cette première saison est pour le moins iconoclaste et originale. Le résultat se montre-t-il à la hauteur des ambitions affichées par les scénaristes ? Est-il convaincant ? Enthousiasmant ? Le risque pris est grand, d'autant plus que l'avalanche de personnages sous des noms différents (en "invitant" les anciens nazis à venir grossir le rang des chercheurs américains, la CIA a fourni à ces criminels de nouvelles identités) demande au spectateur une attention soutenue pour ne pas être noyé dans les méandres du récit. En revanche, les personnalités du groupe vengeur sont très bien caractérisées et dessinées. Il faut dire que leur disparité favorise cette définition optimale. Un chef charismatique, Meyer, un adepte des arts martiaux, Jo Mizushima, un starman déjanté issu du milieu hollywoodien, Lonny Flash, une bonne sœur insolite, Harriet, et un couple Mindy-Murray, sur le point de marier sa fille. La variété est au rendez-vous. Quant aux quêtes des anciens tortionnaires dissimulés dans la foule, elles ne manquent ni d'intensité dramatique ni d'inventivité. 
 
   Mais si la forme n'appelle que peu de réserves, (de nombreuses longueurs sont cependant pénibles...), il n'en est pas de même du fond. Celui-ci est en effet plus que suspect, car les scénaristes saisissent le prétexte des abominations commises par les nazis pour offrir au spectateur un florilège de tortures et d'exécutions bien sadiques. Meyer le reconnaît d'ailleurs, puisqu'à une question d'Harriet : "Sommes-nous des tortionnaires ?", il répond : "Nous avons une excuse pour être des monstres". Un Un œil pour œil qui laisse un goût particulièrement amer... 

    Il est également intéressant de comparer, sur le plan religieux (au sens premier du terme : 'relier'), voire spirituel, cette série à "Messiah" récemment sorti. Une phrase de Meyer résume parfaitement sa position métaphysique : "Il est primordial d'appartenir à un peuple..." C'est tout le contraire du message du "Messie" qui insiste sur le fait que l'évolution spirituelle est intérieure à chaque humain et n'est récupérable par aucune religion ou société. La division, la séparativité face à l'unité... Heureusement, tant pour la tenue morale de la série que pour la capacité d'envoûtement de l'histoire, le scénario se dirige progressivement vers une réflexion sur la loi du Talion (intéressante confrontation entre Meyer et Simon Wiesenthal) et la découverte d'un dangereux complot qui métamorphose le désir de vengeance basique et douteux en une prévention nécessaire et indiscutable. Mais les gros délires de l'épisode final sont plus qu'indigestes à avaler et laissent pour le moins perplexe, même s'ils excitent les papilles pour la suite...
   
Bernard Sellier