Impitoyable, film de Clint Eastwood, commentaire

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Impitoyable,
      (Unforgiven),     1992,  
 
de : Clint  Eastwood, 
 
  avec : Clint Eastwood, Gene Hackman, Morgan Freeman, Richard Harris, Saul Rubinek, Anna Levine,
 
Musique : Clint Eastwood, Lennie Niehaus

  
   
William 'Bill' Munny (Clint Eastwood) a été, dans sa jeunesse, un tueur sans pitié. Mais son mariage avec Claudia l'a définitivement éloigné du vice. Elle meurt en 1878 et il demeure seul avec ses deux enfants, élevant des porcs et menant une vie assez misérable. Un jour de 1880, il reçoit la visite d'un jeune homme, le Kid de Schofield (Jaimz Woolvett), désireux de trouver un équipier pour une mission : descendre les deux cow-boys qui ont défiguré Delilah Fitzgerald (Anna Levine), une prostituée de Big Whiskey. Les amies de celle-ci ont promis une récompense de mille dollars à qui exécuterait les responsables. William, d'abord réticent, finit par accepter la proposition et passe prendre son ami de toujours, Ned Logan (Morgan Freeman). Les trois hommes arrivent à Big Whiskey. Mais la ville est sous la coupe du Shérif Little Bill Daggett (Gene Hackman), qui fait régner la terreur sur son territoire... 
 
   Les chevaux et les grands espaces sont toujours là, comme dans les westerns mythiques de John Ford, Anthony Mann, Howard Hawks ou Henry King. Mais les hommes, les héros brillants de jadis, ont bien changé ! Profondément inspiré par le déclin de la vie et la somme de réflexions qui l'accompagne, Clint Eastwood nous offre, depuis une dizaine de films, de magnifiques variations méditatives sur le crépuscule de personnages usés par la souffrance, le remords ou la culpabilité. Celui de Bill Munny est sans doute l'un des plus sombres qu'ait incarné l'acteur. Impitoyable, il l'est sans doute. Mais surtout pitoyable, comme d'ailleurs la plus grande partie des protagonistes de l'histoire. Le visage défait, incapable de monter sur un cheval sans se retoruver le cul par terre, William n'est plus que l'ombre sinistre du brillant pistolero qu'il a dû être. Ses cauchemars sont peuplés de spectres et de cadavres rongés par la vermine. Quant à ses compagnons ou ennemis, ils ne sont guère mieux lotis. Ned porte sur ses épaules une tristesse nostalgique ; Little Bill, incarné par un Gene Hackman toujours aussi magnétique, qui retrouve là un rôle cousin du shérif sadique affiché dans "Mort ou vif", partage ses journées entre la construction bâtarde de sa maison, ses souvenirs glorieux et, accessoirement, ses sursauts de cruauté ; les prostituées survivent tant bien que mal, sans autre espoir, dans leur vie carcérale, que la punition de deux salauds ; quant à la jeunesse, la génération-relève, représentée par le Kid, elle n'est guère plus brillante, puisqu'il est à moitié aveugle ! Déchéance des hommes, déclin d'un mode de vie juvénile et anarchique, mais aussi crépuscule d'un genre cinématographique qui a définitivement tourné la page des chevauchées majestueuses et des braves triomphants à la mode Zorro. Chacun vit dans le souvenir, plus ou moins enjolivé, dénaturé, de ce qu'il a été ou aurait voulu être (le cas de English Bob (Richard Harris) est, sur ce point, particulièrement édifiant). Trait d'union entre les diverses facettes humaines qui s'affrontent, le soi-disant écrivain W.W. Beauchamp (Saul Rubinek), se nourrit, lui aussi, de ce qu'il ne sera jamais, à travers les récits prestigieux de ses "sujets". De toute manière, la vérité des faits et des comportements compte bien peu. Le présent est sombre, décadent, et gorgé d'une médiocrité douloureuse. Même le but que font miroiter devant eux les vengeurs ne fait pas longtemps illusion, tant il paraît un dérisoire prétexte. 
 
   Emouvante méditation sur la précarité de la vie, la responsabilité, et le karma. La musique, discrète, nostalgique, accompagne à merveille cette agonie programmée des hommes et de leurs rêves.
   
Bernard Sellier