In the bedroom, film de Todd Field, commentaire

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In the bedroom,
       2001,  
 
de : Todd  Field, 
 
  avec : Sissy Spacek, Tom Wilkinson, Nick Stahl, Marisa Tomei, Karen Allen, William Wise,
 
Musique :   Thomas Newman

  
   
Le docteur Matt Fowler (Tom Wilkinson) mène une vie paisible avec sa femme, Ruth (Sissy Spacek) et leur fils Frank (Nick Stahl), dont la passion, durant les vacances universitaires, est de pêcher le homard. Frank s'est amouraché de la belle Natalie Strout (Marisa Tomei), mère de deux garçons, Jason (Camden Munson) et Duncan (Christopher Adams). Mais le divorce n'est pas encore prononcé, et le père des enfants, Richard (William Mapother) se montre de plus en plus agressif... 
 
   Il est de bon ton, dans les ouvertures de films, de confondre vie et agitation, mouvement et brusquerie, pétulance et surexcitation. Cette mode donne naissance à des résultats souvent brillants, au vernis éblouissant, mais dont l'élaboration artificielle et la superficialité notoire ne peuvent se dissimuler. Rien de tout cela ici. La caméra pénètre dans l'intimité de cette famille avec une délicatesse, une pudeur infinies. Elle donne l'impression d'oser à peine se faire voyeuse, d'exacerber sa discrétion afin de ne pas troubler le sanctuaire privé dans lequel elle s'introduit. Une période d'adaptation est nécessaire pour faire connaissance avec ces personnages qui ne se livrent que progressivement, un peu comme l'étranger solitaire introduit dans une réunion familiale, qui sera noyé, dans un premier temps, sous le flot des présentations et incapable de faire le lien entre les différents participants. 
 
   Puis l'on entre, toujours à pas feutrés, dans le drame. Le thème est quasiment celui que développe Sean Penn dans "Crossing guard". Mais le traitement diffère radicalement. Là où Sean Penn, en écorché vif, utilisait à merveille Jack Nicholson pour mettre à jour des tempêtes viscérales, Todd Field développe avec une lenteur extrême, mais jamais pesante, l'interminable souffrance qui naît de la disparition d'un enfant. Il justapose dans la pudeur et la réserve, les scènes quotidiennes où le mental tente de masquer, sous la banalité des paroles et des gestes, le volcan intérieur qui bouillonne. Attente anxieuse de la condamnation qui prend l'apparence trompeuse du baume cicatrisateur de la blessure. Puissance cancérigène des objets évocateurs. Incapacité de communiquer sa souffrance à l'autre. Observation subtile des phases que traverse, inéluctablement, l'esprit : refus, colère, agressivité, culpabilisation de soi et de l'autre, déversement des non-dits... Tout cela est amené avec une profonde humanité et un jeu tout en finesse des acteurs.  
 
   La fin interpelle par un radicalisme tranchant de manière abrupte avec le calme trompeur qui s'est développé durant les quatre-vingt dix premières minutes. Mais, bien qu'elle puisse choquer le contemplateur objectif, elle s'inscrit dans une logique implacable de quête d'apaisement, incapable de franchir l'abîme de la haine pour découvrir le pardon.  
 
   Une merveille de sensibilité et de justesse psychologique.
   
Bernard Sellier