Crossing guard, film de Sean Penn, commentaire

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The crossing guard,
      1995, 
 
de : Sean  Penn, 
 
  avec : Jack Nicholson, Robin Wright Penn, David Morse, Anjelica Huston, Piper Laurie, John Savage,
 
Musique : Jack Nitzsche

   
 
La fille de Freddy Gale (Jack Nicholson), modeste bijoutier, a été tuée par un conducteur en état d'ivresse, John Booth (David Morse). Condamné à six ans de prison, celui-ci est sur le point d'être libéré. Freddy, séparé de sa femme Mary (Anjelica Huston), qui vit avec Roger (Robbie Robertson) et de ses deux autres enfants, passe son temps à boire, et ses nuits à contempler les spectacles de strip-tease dans une boîte minable. Il attend impatiemment la libération de Booth pour le tuer. Mais lorsqu'il surgit, au milieu de la nuit, dans la caravane où habite son ennemi, le coup ne part pas. Il a oublié de mettre le chargeur ! Décontenancé, il donne trois jours de répit à John... 
 
 Dans ce deuxième film de Sean Penn, après "Indian runner", on reconnaît tout de suite les préoccupations psychologiques et mystiques de son auteur. Celles que l'on retrouve dans ses rôles marquants d'acteur, de "La dernière marche" à "21 grammes", en passant par "Mystic river" : le remords, la culpabilité, le poids de la fatalité que l'on crée ou que l'on subit. Nous prenons connaissance des personnages six ans après le drame que nous ne verrons jamais. Tous ont éclaté intérieurement : Freddy est totalement déstructuré, et ne survit plus que dans l'attente d'une vengeance libératrice. John Booth retrouve la liberté physique, mais son esprit demeure emprisonné dans le remords et la culpabilité. Même Mary, qui apparemment, s'en sort bien, souffre intérieurement de voir l'état de délabrement de celui qu'elle a aimé. Le réalisateur suit en parallèle les deux parcours qui s'uniront à la fin : celui de Freddy, qui noie sa détresse dans l'alcool et celui de John qui, incapable de choisir la vie, semble attendre le geste fatal de son futur meurtrier. Mais tout n'est pas aussi simple. Pas de blanc ou de noir, simplement des êtres qui cherchent l'issue au tunnel qui les emprisonne. Ils le trouveront dans un final étouffant de beauté intérieure.  
 
 "Crossing guard" est le genre de film que l'on voudrait aimer globalement, sans réserves. Pour son sujet ; la réflexion noble et généreuse sur le pardon, la vengeance, la culpabilité ; pour quelques scènes magnifiques, dont la plus belle est sans doute celle qui réunit John et Jojo (Robin Wright, superbe) ; pour cette atmosphère nocturne et ténébreuse dans laquelle la musique tient une place importante ; surtout pour son épilogue dont l'âme sort libre et resplendissante ; pour la prestation de ses acteurs. David Morse est impressionnant d'intensité concentrée. Jack Nicholson en fait beaucoup, certes, comme souvent, mais il se montre tout de même grandiose dans cette situation de désespéré. Malheureusement, tout dans cette oeuvre n'est pas enthousiasmant au même degré. Sean Penn, dont on sent, à de multiples reprises, la sensibilité écorchée, semble avoir quelque peine à opérer un brassage des deux destins parallèles. On a, quelquefois, l'impression d'une distension dans la trame dramatique, d'une dilution de la texture, et l'expédition punitive terminale de Freddy tire un peu en longueur. Mais ce sont là, finalement, des réserves superficielles, tant le fond l'emporte sur la forme. Aucune forme, aussi novatrice et enthousiasmante soit-elle, ne sera capable de procurer la joie intérieure. Le fond, lui, en est capable...
   
Bernard Sellier