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Infiltré(e),
     Saison 1,     2023, 
 
de : Emmanuel  Daucé, 
 
  avec : Audrey Fleurot, Thierry Neuvic, Sumaï Cardenas, Jérôme De Falloise, Stéphane Soo Mongo,
 
Musique : Eric Neveux


 
Ne pas lire avant d'avoir vu la série

 
Tamara, la baby sitter du jeune Victor (Ulysse Jeremus), fils du commissaire Max Vernet (Thierry Neuvic), est retrouvée morte d'une overdose. Une nouvelle drogue de synthèse, l'UBH, a fait son apparition et semble dangereuse. Max voudrait trouver un agent susceptible d'être infiltré, afin de remonter la filière de distribution. Il voit le profil idéal dans la personne d'une chimiste de la police, Aurélie Fontenel (Audrey Fleurot). Mais celle-ci refuse de façon catégorique... 
 
 Changement radical de registre pour la charismatique Audrey Fleurot, qui abandonne le monde déjanté de «HPI» pour un rôle dramatique tout en nuances. Elle s'y coule avec une aisance remarquable, ce qui en dit long sur ses capacités d'actrice. L'intrigue est classique, avec l'inévitable pression initiale qui va faire basculer la jeune femme d'un refus obstiné à une acceptation contrainte. La première bonne idée du scénario est d'avoir choisi en tant qu'infiltrée, non pas une policière pure et dure, téméraire, mais au contraire une femme fragile, déboussolée, et peu fiable, malgré la menace d'incarcération qui pèse sur elle. La possibilité permanente qu'elle pète les plombs au milieu de sa mission participe pour une bonne part au suspense installé. Mais celui-ci est de nature composite et a le mérite de ne pas reposer uniquement sur son statut d'amateure. Sur la trame principale, en l'occurrence la nécessité de coffrer les têtes d'un important trafic de drogue de synthèse, et de découvrir le laboratoire où elle est fabriquée, se greffe une intrigue qui paraît, au premier abord, secondaire, voire anecdotique. Il s'agit d'une plongée dans le monde interlope de la mendicité organisée de Marseille, avec son organisateur principal, le charismatique Jesus (Sumaï Cardenas), ainsi que ses petites mains favorites, Cristian (Mathis Pirone) et Maria (Charlie Paulet), tous deux excellents acteurs. Mais peu à peu, cette histoire en apparence annexe et superflue se fond de façon habile dans le sujet principal, installant une richesse humaine, une complexité fructueuse et une intensité dramatique judicieuse dans un récit qui paraissait à l'origine monodirectionnel. Une autre bonne surprise tient à la qualité de l'interprétation générale, qui n'est jamais prise en défaut, même dans les plus petits rôles. L'humour fait même une discrète apparition dans ce drame implacable, avec le personnage du sustitut Picard (François Loriquet), amateur de calembours. Le rebondissement qui intervient aux quatre cinquièmes de la série surprend par sa brusquerie et laisse un instant inquiet sur sa vraisemblance. Mais, là encore, la narration rebondit de manière intelligente et crédible. Cette crédibilité générale est d'ailleurs un autre point notable de la série. Pas de héros sans peurs, de justiciers implacables, mais une galerie de personnages fragiles, souvent sombres, chez lesquels, à l'exception peut-être du jusqu'au boutiste Mehmet (Genc Jakupi), se dissimulent, avec plus ou moins de réussite, des fêlures psychologiques plus ou moins importantes. Les seuls (petits) reproches que l'on peut émettre, concernent d'une part la lenteur excessive de la mise en place de l'infiltration, et, d'autre part, un mal qui est chronique dans les créations françaises, à savoir le manque d'articulation de certains acteurs, qui fait perdre une partie des dialogues. Mais ces réserves  n'entachent en rien la qualité générale de cette courte série, très efficace sur le plan de la tension dramatique.  
   
Bernard Sellier