Frank Costello (Jack Nicholson) est un redoutable truand sans états d'âme. Il s'est toujours montré protecteur, voire paternel, avec le petit Colin (Matt Damon). Lorsque celui-ci devient adulte et policier de l'état du Massachussets, c'est donc tout naturellement qu'il se transforme en informateur de Costello. De son côté, Billy Costigan, issu d'un milieu défavorisé et plus que louche, intègre lui aussi la police. L'un de ses supérieurs, Queenan (Martin Sheen), lui propose alors d'infiltrer le gang de Frank afin de pouvoir monter un dossier solide contre le criminel...
Bien qu'inspiré directement du génial "Infernal Affairs" de Wai Keung Lau, l'oeuvre de Scorcese s'en démarque suffisamment pour constituer une création à part entière. Modelé et pétri de manière exceptionnelle, le scénario, brillant, part d'un postulat simple, puis complexifie progressivement ses éléments natifs au point de créer une nébuleuse fascinante, pour offrir, au final, une vertigineuse exploration des apparences, des faux-semblants, avec une subtilité telle que le spectateur finit par ne plus savoir qui trahit qui. La limite entre le blanc et le noir, entre le bien et le mal, déjà ténue à l'origine, devient rapidement imperceptible, au point que les deux "infiltrés" semblent quasiment interchangeables. L'intrigue policière, à savoir le vol par Costello de processeurs, disparaît rapidement, elle aussi, au profit de la plongée dramatique dans le tourbillon frénétique d'une valse de marionnettes qui dansent une ronde de mort autour de Frank, figure emblématique du mal. Cet impressionnant jeu de cache cache est servi par un trio exceptionnel, duquel se détache Leonardo DiCaprio, intensément habité par son personnage, et dont le magnétisme grandit à chaque nouvelle incarnation. Quant à Jack Nicholson, sorte de patriarche sombre sur le déclin, il est, à son habitude, tétanisant. Beaucoup plus qu'un film policier, "Les Infiltrés" est un jeu de miroirs sur la confiance et la trahison. Cela dit, l'original hongkongais n'a pas à rougir, loin de là, de cette incursion dans ses plates bandes du grand Scorcese, certains pouvant même préférer l'atmosphère hautement électrisante de son approche. Dommage, peut-être, que Scorcese abandonne l'ambiguïté développée durant le récit, lors d'un dénouement sans doute logique, probablement inéluctable, assurément tétanisant, mais tout de même brut de décoffrage...