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Je ne suis pas là pour être aimé,
      2005, 
 
de : Stéphane  Brizé, 
 
  avec : Patrick Chesnais, Anne Consigny, Lionel Abelanski, Georges Wilson, Cyril Couton, Geneviève Mnich, Anne Benoît,
 
Musique : Eduardo Makaroff


   
Jean-Claude (Patrick Chesnais) est huissier de justice. Il mène une vie terne de célibataire, et sa seule distraction hebdomadaire est d'aller rendre visite à son père (Georges Wilson), placé dans une maison de retraite. Même l'arrivée de son fils Jean-Yves (Cyril Couton) dans l'étude n'apporte aucune joie. Un jour, Jean-Claude décide de se rendre à un cours de tango. Il y fait la connaissance de Françoise (Anne Consigny), que sa mère gardait lorsqu'elle était petite fille... 
 
   Le scénario est d'une minceur extrême, le classicisme est roi, le spectaculaire est aux abonnés absents, les dialogues sont simplissimes, et pourtant c'est une petite merveille de grâce et d'humanité que nous propose Stéphane Brizé. Ses personnages sont des êtres fragiles, des losers, des aigris, des handicapés de la communication, mais le récit les regarde évoluer dans leur mélasse émotionnelle avec une tendresse indéfectible, sans jamais les juger, les condamner, les rejeter. Bien plus, il sait dénicher en chacun d'eux, même chez ceux qui paraissent avoir divinisé l'odieux (le père de Jean-Claude), l'étincelle d'amour enfouie sous les multiples couches de la rancoeur ou de la détresse. Jamais ennuyeuse, toujours juste dans son approche psychologique, souvent charmeuse, remarquablement équilibrée, l'histoire parvient même à réserver des moments de drôlerie maîtrisée, en conservant un respect total pour les individualités souffrantes qui la peuplent. Anne Consigny, toute en élégance discrète, en charme naturel, forme avec Patrick Chesnais, incarnation majuscule du quinquagénaire éteint, un couple hautement improbable en théorie, et cependant chargé d'évidence. Au milieu du désert affectif, professionnel, humain, balayé par un sirocco de mélancolie et de résignation, s'élève une frêle et tendre oasis d'espérance.  
 
   Sans rapport avec la qualité du film, un point peut être discuté. Pour des personnalités aussi rigidifiées par les blessures endurées, est-ce vraiment le tango, danse aux règles particulièrement... rigides qui est susceptible de cautériser les plaies ? La réponse s'impose d'elle-même. En revanche, la "Biodanse" se révèlerait particulièrement adaptée...
   
Bernard Sellier