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Jean Philippe,
       2006, 
 
de : Laurent  Tuel, 
 
  avec : Fabrice Luchini, Johnny Hallyday, Antoine Duléry, Elodie Bollée, Barbara Schulz, Caroline Cellier, Guilaine Londez,
 
Musique : André Manoukian

  
   
Fabrice (Fabrice Luchini) a une femme, Babette (Guilaine Londez), une fille Laura (Elodie Bollée) et une profession. Mais sa passion est ailleurs : il est fan absolu, inconditionnel, de Johnny Hallyday. Son grenier recèle la collection la plus complète du département, consacrée à son idole. Un soir où il rentre un peu éméché, braillant à tue-tête une chanson du Rocker, il reçoit un coup de poing d'un voisin et perd connaissance. Lorsqu'il se réveille le lendemain, il est apparemment indemne. Mais le monde qui l'entoure, lui, ne l'est pas ! Car personne n'a jamais entendu parler d'un soi-disant Johnny Hallyday ! Consterné, au bord du suicide, Fabrice entreprend de rechercher tous les Jean-Philippe Smet de France... 
 
   Croisement jouissif entre "Retour vers le futur" et "Grosse fatigue", cette histoire abracadabrante est sans nul doute originale et intelligemment conduite. Quête d'identité, influence du grain de sable qui fait en une seconde basculer le parcours d'une vie entière (un accident de scooter à 20 ans permet à Chris Summer (Antoine Duléry), de devenir, 40 ans durant, l'idole de toute une nation, et envoie Jean-Philippe dans les limbes de la médiocrité), discrète satire des "Star Academy" et autres "Nouvelle Star", obsession frénétique du fan ne respirant que par la fascination de l'idole, tout cela permet à Fabrice Luchini et à Johnny, chacun dans un registre personnel, de briller dans des compositions contraires à leur image. Le chanteur se montre particulièrement touchant et juste dans sa personnalité du raté mélancolique, sur lequel les années ont posé une chape de résignation. Quant à l'acteur, dans un parcours qui aurait pu exacerber sa propension à l'outrance, il oscille, sans cabotinage déplacé, entre les excitations et le fatalisme dictés par les heurts incessants de son obsession avec la réalité. L'humour est léger, les clins d'oeil sont bienvenus (Benoît Poelvoorde se présentant au casting de l'émission télévisée dans son imitation de Clo-Clo ; Stallone n'ayant, lui non plus, jamais accédé à la célébrité...), et la mise en scène, vivante, se fait spectaculaire lors du final au Stade de France. Laurent Tuel et son scénariste, Christophe Turpin ont eu le bon sens de ne pas s'appesantir sur la partie initiale, assez brève : "ahurissement légitime de Fabrice, propulsé dans un monde vide de son idole", dont l'étirement aurait pu rapidement verser dans la farce facile, et de privilégier la reconstruction de l'être sapé à la base par un coup du sort. 
 
   Une très agréable surprise, spirituelle et ludique. Un petit regret personnel, tout de même, sur le choix des chansons...
   
Bernard Sellier