The Killer, film de John Woo, commentaire

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The killer,
        (Dip hyut shueng hung),        1989, 
 
de : John  Woo, 
 
  avec : Yun-Fat Chow, Danny Lee, Sally Yeh, Kong Chu, Kenneth Tsang, Barry Wong,  
 
Musique :  Lowell Lo

  
   
Ah Jong (Yun-Fat Chow) est un tueur professionnel. Très efficace. Mais, au cours d'une mission, il blesse involontairement une charmante jeune chanteuse, Jennie (Sally Yeh). Elle survit, mais est devenue quasiment aveugle. Traumatisé par son geste, Jong reprend contact avec elle et décide d'effectuer une nouvelle mission, afin de pouvoir lui payer une greffe de cornée. Il exécute cette fois un mafieux notoire, mais se voit menacé lui-même de mort, car il désire raccrocher, ce que n'apprécie guère son employeur... 
 
   Le film qui a fait connaître John Woo, même si, depuis 1968, il avait déjà tourné une vingtaine d'oeuvres. Tandis que la quatre vingt sept mille huit cent onzième balle quittait le canon d'un revolver, pour foncer droit sur la tête à exploser, une réflexion s'est mise en route. Nous considérons, avec sans doute quelques raisons valables, que l'Homme de Cro-Magnon était, comparé à nous, un primitif particulièrement obtus, doté d'une intelligence lilliputienne. Supposons (on peut toujours rêver), qu'une famille habitant une jolie planète de la constellation d'Andromède, décide de venir effectuer une petite virée dans notre système solaire. Avec halte obligée sur notre accueillante terre. Elle assiste, par hasard, à la projection de ce film. Quelle va être sa réaction ? Il est possible de parier qu'elle notera dans son compte-rendu de voyage : "planète arriérée, peuplée d'êtres rudimentaires, à visiter d'urgence comme l'un des derniers bastions de la barbarie primitive".  
 
   Aurait-elle foncièrement tort ? Certainement pas, au vu des séquences délirantes qui ont ravi sans nul doute les accros des jeux video. C'est du grand n'importe quoi agrémenté de vols planés, débauche de mitraillades, giclées sanguinolentes, tout ce qu'adore Quentin Tarentino. Avec, il est bon de le noter, une inefficacité évidente des tireurs, puisque, pour transformer chaque adversaire en cadavre, il ne faut pas moins d'une quinzaine de balles. A croire que les pistolets ont tous des chargeurs extensibles.  
 
   Aurait-elle pour autant entièrement raison ? Eh bien non ! Paradoxalement, dans cette histoire simpliste, où le "héros" est un tueur implacable, l'émotion, la sensibilité, s'invitent ponctuellement et, comble de l'étonnement, leurs poussées semblent évidentes, naturelles. Un peu à la manière de Yo Hinomura dans "Crying Freeman", Ah Jong découvre brutalement une parcelle d'humanité jusque là occultée, et celle-ci ne vas plus le quitter. La rédemption dans toute sa splendeur. Il faut dire que, dans cette tâche difficile, John Woo est brillamment aidé par le choix de Yun-Fat Chow. Là où Mark Dacascos vivait sa mutation intérieure en sauvegardant sa personnalité majestueuse et ténébreuse, l'acteur de John Woo brise sa carapace et laisse émerger une sorte d'enfant hypersensible, à la physionomie poupine compatissante. C'est surprenant, décalé, primaire, spontané, et jamais ridicule. Alors, même si la pilule est dure à avaler, en ce qui concerne les innombrables carnages, aussi répétitifs que lassants et, avouons-le, passablement loufoques, l'incursion au milieu des flaques de sang de ces instants humanistes apporte une bouffée d'innocence qui s'approche parfois de la grâce. Étonnant !
   
Bernard Sellier