David (Colin Farrell) a perdu la femme qu'il avait depuis onze ans. Etant donné que la loi impose de trouver une nouvelle compagne dans les 45 jours, il intègre un établissement spécialisé dans cette recherche. Si le but n'est pas obtenu dans les 45 jours qui suivent, il se verra transformé dans l'animal de son choix...
En l'occurrence un homard, d'où le titre... Dans le genre 'film taillé pour obtenir une récompense à Cannes', cette oeuvre ne démérite pas. Dès l'ouverture - une femme abat un âne à coups de révolver -, un mot vient à l'esprit : 'gratuité'. Mais, en cinéphile consciencieux et ouvert qui se respecte, surgit l'idée que cette intuition est stupide et que le développement de l'histoire exposera les motivations d'une telle boucherie. Mais, au fur et à mesure que s'installe la narration et sa colonne vertébrale, d'autres qualificatifs surgissent : grotesque, cynique, cruel, et, surtout, artificiel. Et, malheureusement pour les personnages - marionnettes devrait-on écrire - qui s'agitent sous nos yeux, et aussi pour le spectateur, c'est ce dernier adjectif qui domine haut la main le parcours dramatique des solitaires tout autant que des accouplés.
C'est une voix off totalement glacée ( on apprendra au cours du film qu'il s'agit de celle de la jeune fille myope (Rachel Weisz) ), qui narre au spectateur le destin de David, l'architecte. Destin on ne peut plus tragique, puisque la loi impose de trouver un conjoint dans un délai imparti, sous peine de se retrouver sous forme de crevette ou d'hippopotame, suivant les choix du sujet. L'idée de départ est, avouons-le, plutôt déjantée, nous n'oserons pas dire stupide. Mais on a vu pire. Dans un premier temps, se développent donc des tentatives d'accouplement, fondées sur une similitude totalement primaire. Par exemple, John qui se fracasse le nez pour s'accorder avec une charmante jeune fille qui saigne régulièrement de cet appendice. Puis l'histoire nous plonge dans le monde opposé des 'solitaires' qui mettent un point d'honneur à fuir ces accouplements programmés. Mais leur monde, dirigé par la rigide Lea Seydoux, ne vaut guère mieux. Car, ici, ceux qui commencent à ressentir une esquisse de communion, se voient immédiatement contrés.
Il est un domaine dans lequel le film parvient à nous immerger : celui de la froideur, renforcé par les paysages nordiques grisâtres où sont tournées les scènes, et la glaciale impersonnalité des échanges verbaux. Un exemple typique de conversation entre futurs conjoints est : 'quelle était ta première marque de lunettes ?'. Passionnant ! Sans équivoque, le thème de l'oeuvre semble être une mise en abyme de la notion d'âme soeur, voire d'amour tout simplement. C'est ce qui inondait le récent film de Drake Doremus, "Equals". Mais un fossé sépare ces deux approches. Ce qui se révélait dans cette oeuvre de science-fiction pure, profondément poignant, apparaît ici, dans une orchestration totalement artificielle, aussi désincarné que terne et insipide. L'accumulation de plusieurs éléments extrêmes, -le cynisme, l'outrance, une hypertrophie mêlée à la glaciation -, génère un détachement quasi intégral du destin subi par les automates qui évoluent sur l'écran.
Mais, encore une fois, il n'est pas surprenant qu'une création aussi marginale ait enthousiasmé les grands esprits artistiques du jury cannois...