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Love,
        2015, 
 
de : Gaspard  Noe, 
 
  avec : Gaspar Noé, Aomi Muyock, Karl Glusman, Klara Kristin, Ugo Fox, Isabelle Nicou, Déborah Révy,
 
Musique : Erik Satie


   
Murphy (Karl Glusman) vit avec Omi (Klara Kristin) depuis qu'ils ont eu, par inadvertance, un enfant. Le jour du Nouvel an, il reçoit un message de Nora (Isabelle Nicou), la mère de son ancienne amie, Electra (Aomi Muyok). Celle-ci a disparu depuis deux mois et n'a plus donné signe de vie. Murphy revoit les deux années qui ont précédé son emprisonnement dans la vie de couple... 
 
   Des personnages intégralement centrés sur leur nombril (et sur leurs organes sexuels, bien sûr !), passablement déjantés, totalement à l'extérieur de leur conscience profonde, qui n'ont comme expression verbale que des lieux communs lorsque tout baigne à leur convenance, et des volées de menaces, d'insultes, de vociférations, lorsque la discorde s'invite... Ce sont là les composantes d'une histoire qui porte le titre d'"Amour" ! Rien que dans ce constat, il y a déjà de quoi tomber à la renverse. Les premières minutes du film, une longue masturbation mutuelle, donne d'ailleurs la tonalité de l'œuvre. Les deux partenaires semblent étrangers l'un à l'autre, ne se regardant à aucun moment. Le contraire absolu de la relation tantrique, au cours de laquelle les yeux (le "miroir" de l'âme) des amants sont intensément connectés. Sans compter que le réalisateur abuse des "cut" dans une même scène, ce qui donne au vécu des personnages un aspect fragmenté, comme s'il s'agissait de bouts de vies sans reliance, sans ciment émotionnel fédérateur. Il n'y a que dans le dernier quart d'heure qu'un vague reflet d'amour altruiste, non pollué par la dépendance et la composante fusionnelle, verra le jour. 
 
   Si Quentin Tarentino a manifestement des comptes psychologiques à régler avec la violence, nul doute que Gaspar Noé a également les mêmes (il suffit de voir son "Irréversible" pour en être convaincu), conjuguées, en plus, avec les relations sexuelles et ce qu'il appelle "amour". Sans parler d'un nombrilisme majuscule, puisqu'il nomme l'ex d'Electra : Noé, et que Murphy envisage d'appeler son futur fils : Gaspar ! Le scénario du film se résume à une réminiscence des moments harmonieux vécus avec Electra. Mais, comme ces souvenirs se résument à quelques bribes d'échanges verbaux banals et à des galipettes sexuelles, on finit par s'ennuyer ferme durant ces 130'. Si encore les protagonistes affichaient un charisme débordant, libéraient une charge émotionnelle intense, ce pourrait être supportable, voire touchant. Mais ce n'est presque jamais le cas. La vérité sort d'ailleurs de la bouche même de Murphy, qui, au milieu du film, affirme : "Je ne suis qu'une bite, et une bite ça ne pense pas". Rien de plus vrai, et il serait même judicieux d'ajouter que, sur un écran, ça manque singulièrement de tendresse chaleureuse ! 
 
   Alors, si le comble du grand art cinématographique est de filmer de manière somptueuse, sous forme de tableaux à dominante rouge et ocre, un entrelacis de corps dénudés dans un écrin narratif qui concurrence le vide intersidéral, il ne fait aucun doute que Gaspar Noé est un artiste de premier ordre. Mais pour tous ceux qui aspirent, dans une œuvre du septième art, à ressentir une empathie envers des êtres humains complets, intégrés dans un parcours vivantiel riche et nourrissant, l'expérience ne peut être que profondément décevante.
   
Bernard Sellier