Bienvenue sur le site d'un manipulateur de mots, passionné d'écriture, de cinéma, de musique, d'ésotérisme...     

Lune froide,
        1991, 
 
de : Patrick  Bouchitey, 
 
  avec : Patrick Bouchitey, Jean-François Stevenin, Karine Nuris, Roland Blanche, Consuelo de Havilland, Jean-Pierre Bisson,
 
Musique : Didier Lockwood


   
Simon (Jean-François Stevenin) et Dédé (Patrick Bouchitey) traînent leurs cuites et leurs mal-être sur les plages bretonnes. Ils sont continuellement en butte aux sarcasmes de Gérard (Jean-Pierre Bisson), mari de Nadine (Laura Favali), soeur de Dédé. Simon semble particulièrement sensible aux plaisanteries douteuses de son coéquipier à propos d'une sirène... 
 
   Le premier exploit est d'avoir réussi à rendre acceptable une dérive particulièrement odieuse, qui n'est pas sans évoquer le sujet du poignant "Parle avec elle" d'Almodovar. Grâce, sans doute, à la personnalité de Simon, beaucoup plus nuancée que celle de son compère. Comme ce dernier, il est, la plupart du temps, ivre, se montre presque aussi irresponsable, et, cependant, pointent, ponctuellement, quelques lueurs d'humanité et de timides velléités d'amour. Patrick Bouchitey, lui, s'est réservé une incarnation brute de décoffrage, qui dévale la vie sans freins ni direction. Il en fait beaucoup dans le délire extraverti. Quant à la narration, elle semble, tout au moins dans la première moitié, s'harmoniser avec la dérive des personnages : le spectateur ne sait pas vers quoi il est emmené. La seule information qui nous est servie est que déchéance et désespoir sont à l'ordre du jour. Le choix du noir et blanc est plus que judicieux, apportant une austérité indispensable à l'errance des deux bougres.  
 
   Le film est dédicacé à Patrick Dewaere, mort neuf ans plus tôt. Il est vrai que l'on pense, plus d'une fois, à une sorte de "Valseuses" version morbide. Et, cependant, malgré la noirceur du propos, malgré la misère physique et mentale des protagonistes, malgré la sordidité des décors, une incontestable vie anime l'oeuvre. La gratuité des événements, qui semblait occuper le devant de la scène pendant un long moment, laisse place progressivement à une logique de l'absurde et de l'impur qui tenaille le spectateur tout en lui interdisant l'indifférence.  
 
   Dérangeant, pervers, mais envoûtant.
   
Bernard Sellier