Les valseuses, film de Bertrand Blier, commentaire

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Les valseuses,
     1973,  
 
de : Bertrand  Blier, 
 
  avec : Gérard Depardieu, Patrick Dewaere, Miou Miou, Isabelle Huppert, Gérard Jugnot, Jeanne Moreau,
 
Musique : Stéphane Grappelli


   
Jean-Claude (Gérard Depardieu) et Pierrot (Patrick Dewaere), deux copains d'âge mental... disons douze ans, sillonnent les routes de France au rythme de petits larcins, d'une scoumoune persistante et de la quête désespérée d'une vraie femme... 
 
   S'il est un film culte pour la génération des 40 - 50 ans, c'est bien celui-ci. Post soixantehuitard pour le look des acteurs, et, surtout, doublement annonciateur : 
 
   D'une part de la liberté d'expression auditive et visuelle qui va permettre à la pornographie d'envahir les écrans un ou deux ans plus tard, renvoyant les ridicules provocations de Vadim (naguère interdites aux moins de 18 ans) au rang de bluettes pour adolescents boutonneux. 
 
   D'autre part de la filmographie future de Bertrand Blier qui développera ses thèmes de prédilection avec un style de plus en plus personnel et original. 
 
   Lorsqu'on revoit ces "Valseuses" aujourd'hui, le plaisir réside principalement et presque exclusivement dans la présence extraordinairement naturelle de Gérard Depardieu et Patrick Dewaere. Retrouver le premier, exempt d'obésité, doucement fêlé, et le second confondant de spontaneité écorchée, est une joie de tous les instants. 
 
   Reste le film lui-même, qui pourrait s'appeler "recherche tendresse désespérément". La trame est (très) lâche, au point que, par moments, surtout dans la première partie, on a l'impression que les acteurs jouent en roue libre. Puis la douce folie débridée du début laisse petit à petit la place à une recherche éperdue de la femme-mère-amante, ébauchée par la scène du train avec Brigitte Fossey, et couronnée par les relations muettes et sensibles avec Jeanne Moreau. Le côté provocateur qui avait grandement contribué au succès de l'oeuvre s'est, bien évidemment, fortement émoussé avec le temps. Mais cet aspect décalé n'est pas véritablement une gêne, tant les thèmes récurrents chez le réalisateur, même seulement ébauchés, transpercent la carapace de la spécificité temporelle. Il est passionnant pour un cinéphile de voir naître les trames obsessionnelles que développera Bertrand Blier durant les 30 années suivantes. Le personnage peu gâté (c'est le moins que l'on puisse dire) de Miou Miou (toujours adorable) en shampouineuse docile et anorgasmique, fait grandement penser à celui de Solange (Carole Laure) dans "Préparez vos mouchoirs". Celui de Jean-Claude verra son apothéose dans le personnage de Bob dans le génial "Tenue de soirée". Ici, tout est en germe. Rafraichissant comme un souvenir de folle jeunesse, quelquefois poétique, souvent jouissif, toujours léger.
   
Bernard Sellier