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Le maître de musique,
      1988,  
 
de : Gérard  Corbiau, 
 
  avec : José van Dam, Anne Roussel, Philippe Volter, Patrick Bauchau, Sylvie Fennec,
 
Musique : Schubert, Mozart, Verdi, Mahler, Offenbach, Bellini...


   
Joachim Dallayrac (José van Dam) est l'un des plus célèbres barytons du monde. Chacun de ses concerts est un succès. A la fin de l'un d'eux, il annonce, à la stupéfaction générale, qu'il décide d'abandonner la scène. Il se retire dans sa demeure en compagnie de sa femme Estelle (Sylvie Fennec) et d'une unique élève, Sophie Maurier (Anne Roussel, délicieuse !). Un jour, il rencontre sur un marché un jeune voleur à la tire, Jean (Philippe Volter), doté d'une très belle voix. Il le ramène chez lui et entreprend d'en faire un brillant ténor. 
 
   Six ans avant "Farinelli" qui l'a vraiment fait connaître, Gérard Corbiau avait réalisé ce film pour lequel j'éprouve une tendresse particulière. Même s'il ne possède pas la richesse du suivant, recèle quelques faiblesses (le jeu n'est pas toujours très naturel), il a en revanche des qualités de spontanéité et de simplicité qui feront défaut aux oeuvres postérieures, surtout "le Roi danse". 
 
   À la première approche, les personnages paraissent un peu monolithiques, à la limite insuffisamment approfondis pour créer de véritables personnalités riches et passionnantes. Mais cette impression fallacieuse se dissout rapidement. Car, au final, la concentration du film sur l'extinction programmée d'une étoile (Dallayrac) et l'initiation qui ouvre la porte du succès à deux jeunes astres, se révèle émouvante et passionnante. Le duel sur lequel se clôt cette histoire, entre les deux ténors masqués, peut paraître artificiel. Il n'est en fait que le symbole des masques invisibles que revêtent les deux "maîtres" qui ont rivalisé jadis. Dallayrac, le vainqueur, devenu un artiste universellement reconnu, dissimule son amour de la beauté et de l'art derrière une intransigeance qui n'a d'autre but que de propulser les élèves au sommet, grâce à leur révolte et à leur orgueil, qui deviendront les meilleurs atouts de leurs carrières. Le Prince Scotti (Patrick Bauchau), masque derrière son mécénat un ardent désir de revanche sur son ennemi, par l'intermédiaire de son élève, l'antipathique Arcas (Marc Schreiber). Et le duel entre ces deux puissantes personnalités n'est pas un croisement de fers, mais un combat de voix.  
 
   Illuminé par quelques airs d'opéra ou lieder magnifiques, aisément accessibles à toute personne, même non mélomane, cette rivalité se clôt dans un mystère non résolu, sans doute le plus inaccessible à l'esprit humain, et qui est parfaitement résumé dans l'une des réflexions du Prince Scotti : "Je voudrais savoir pourquoi la musique lui (Dallayrac) est soumise". 
 
   Une méditation simple et belle sur l'interaction de l'amour et de l'art.
   
Bernard Sellier