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Mal de pierres,
      2016, 
 
de : Nicole  Garcia, 
 
  avec : Louis Garrel, Marion Cotillard, Alex Brendemühl, Brigitte Roüan, Aloïse Sauvage, Daniel Para,
 
Musique : Daniel Pemberton, Piotr Illitch Tchaïkovsky

  
   
Gabrielle (Marion Cotillard) étouffe dans une famille terne et rigide, entre sa mère Adèle (Brigitte Roüan), son père Martin (Daniel Para), et sa jeune soeur Jeannine (Victoire Du Bois). Elle rêve d'un amour absolu, mais se fait rejeter par l'instituteur auquel elle a fait des avances. Ses parents décident de la marier à un maçon d'origine espagnole, José Rabascal (Alex Brandemühl). Gabrielle accepte... 
 
   Oscillant entre bouffées de fièvre passionnelle, poussées d'agressivité lorsque la cible amoureuse ne répond pas à ses attentes, et rêveries atones, le personnage de la jeune Gabrielle semble donner raison à sa mère lorsqu'elle qualifie sa fille de malade nerveuse. En réalité, au fil des événements, se dessine progressivement une personnalité, certes trouble, mais avant tout gorgée de romantisme imaginatif, de rêves tellement puissants qu'ils sont capables de distordre la réalité. Au cours de la première heure, le temps semble long, étiré. La matière narrative est restreinte. La délicatesse de la réalisatrice et la profondeur expressive de Marion Cotillard sont indispensables pour aider le spectateur à traverser ce qui apparaît comme un espace de mal-être confinant parfois au vide intérieur. Gabrielle couvre, pour ne pas dire étouffe ceux qui l'approchent, au moyen du pouvoir que lui procure sa pathologie. José apparaît comme un pion malléable. André Sauvage (Louis Garrel) lui-même, diminué par la maladie qui le ronge, devient presque un objet passif dans la construction mentale que se forge Gabrielle. La jeune femme, élevée dans une famille froide, incomprise, s'invente un univers romantique dans lequel les amants séparés par le destin doivent obligatoirement se retrouver un jour pour vivre leur passion idéale. Mais les données du monde réel ne peuvent être occultées indéfiniment. Et le réveil se révèle rude. Un réveil qui déchire le rideau de l'illusion pour Gabrielle, mais qui permet également de découvrir une facette inattendue de la personnalité de José. En lieu et place de l'homme simple et indifférent que l'on a observé au cours de l'histoire, surgit un être sensible, discrètement affectionné, évoquant le père bienveillant de l'émouvant "Je vais bien, ne t'en fais pas" de Philippe Lioret. 
 
   Le bouleversement final des données peut paraître, à certains esprits, romanesque au mauvais sens du terme, voire d'un "ridicule mortel", comme l'a écrit Jean Philippe Tessé dans "Les cahiers du cinéma". Pourtant, par la grâce d'une écriture constamment sensible et d'une incarnation tout en finesse et en demi-teinte, profondément inspirée, de Marion Cotillard, ce dénouement s'invite comme une musique aussi douce et nostalgique que la Barcarolle de Tchaïkovsky qui accompagne les pricipales phases de l'évolution de Gabrielle.
   
Bernard Sellier