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Je vais bien, ne t'en fais pas,
        2006, 
 
de : Philippe  Lioret, 
 
  avec : Mélanie Laurent, Kad Merad, Isabelle Renauld, Julien Boisselier, Simon Buret, Aïssa Maïga, Christophe Rossignon,
 
Musique : Nicola Piovani

 
   
Élise "Lili" Tellier (Mélanie Laurent), 20 ans, vit dans la banlieue parisienne avec son père, Paul (Kad Merad), sa mère, Isabelle (Isabelle Renauld) et son frère jumeau, Loïc. Un jour, en revenant d'un séjour en Espagne, elle apprend que ce dernier, à la suite d'une violente dispute avec son père, a disparu sans donner de nouvelles. Lili sombre peu à peu dans la dépression, refuse de s'alimenter. Mais survient une carte de Loïc, adressée à sa soeur, lui affirmant qu'il est fermement décicé à ne plus revoir sa famille, Paul en particulier... 
 
   L'environnement de cette histoire (un pavillon impersonnel au milieu de mille autres semblables dans un décor à la "Truman Show", comme le dit Lili) est nettemoins moins "accrocheur" et spectaculaire que l'océan sauvage de "L'équipier". En revanche, côté matériau dramatique, thématique, et personnalités des protagonistes, nous sommes sans conteste dans le monde qu'affectionne Philippe Lioret. Celui des handicapés de la communication, des êtres qui, par nature, ne savent, devant l'irruption de tragédies majeures, qu'enfouir au plus profond d'eux-mêmes une réalité considérée comme insoutenable. L'approche du réalisateur est, fondamentalement, pessimiste à 100%, et ce n'est pas le dénouement, empreint d'une clarté illusoire, qui se révèle susceptible de remettre en cause cette évidence : la vérité ne libère pas. Et c'est avec une émotion contenue mais intense que l'on prend conscience que les deux jeunes, par leur acceptation du non-révélé, se préparent un avenir semblable à celui de leurs parents, c'est-à-dire un probable enfermement inconscient dans un cocon hermétique et désespérément miné. 
 
   Comme à son habitude, c'est-à-dire avec une profonde tendresse, une infinie délicatesse, une humanité permanente, sans débordements ni heurts, Philippe Lioret nous invite à partager, tels des confidents discrets, les instants de détresse, de désespoirs masqués ou avérés, de joies brèves, que ses personnages expérimentent au fil de leurs errements vivanciels.  
 
   Le personnage de la mère apparaît relativement terne, même si l'approche narrative du réalisateur va toujours dans le sens de la discrétion. En revanche, Paul, incarné avec une rare finesse par Kad Merad, offre de subtiles variations entre les différentes composantes psychologiques qui affleurent tour à tour à la surface : la façade du "connard", enfoncé dans son trio mortifère : boulot, télé, dodo; mais aussi le père affligé, souffrant, immature, qui cherche, avec maladresse, le moyen de rendre quelques atomes de vie à lui-même et à ceux qui l'entourent. Quant à Mélanie Laurent, elle est miraculeuse de justesse. 
 
   Certains adeptes de la rigueur scénaristique regretteront peut-être que la tenue du suspense impose quelques ellipses ou approximations narratives préjudiciables à la vraisemblance générale. Une bien mince réserve, face à une oeuvre anti-spectaculaire au possible, mais d'une sobriété poignante.
   
Bernard Sellier