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Match point,
      2005, 
 
de : Woody  Allen, 
 
  avec : Jonathan Rhys Meyers, Brian Cox, Scarlett Johansson, Penelope Wilton, Emily Mortimer, Matthew Goode,
 
Musique : Giuseppe Verdi, Georges Bizet...

   
   
Chris Wilton (Jonathan Rhys Meyers), brillant joueur de tennis, a choisi la voie de l'enseignement. Il est accepté comme professeur dans un club londonien très fermé. Il y rencontre Tom Hewett (Matthew Goode), dont le père, Alec (Brian Cox), est un richissime homme d'affaires. Reçu dans la famille, Chris fait la connaissance de la soeur de Tom, Chloe (Emily Mortimer), tout à fait charmante. Il s'en éprend, mais son engouement est de courte durée, car il découvre l'existence de Nola Rice (Scarlett Johansson), fiancée à Tom. Dès lors, il ne songe qu'à la séduire, tout en ne délaissant pas Chloe... 
 
   Avec une sobriété que n'aurait pas reniée l'Alfred Hitchcock de "Le crime était presque parfait", Woody Allen construit un drame à l'ancienne, qui a pour décor la haute société londonienne. Malgré les contours archi-connus d'une intrigue vue mille fois (un personnage veule et lâche écartelé entre la femme et la maîtresse), le réalisateur parvient à insuffler une vie et un naturel constants à une narration dégraissée, qui ne brise les conventions qu'à l'extrême limite du récit. Dans sa réflexion sur l'importance du hasard dans le déroulement des événements, l'auteur semble s'amuser jusqu'à la dernière seconde avec l'attente du spectateur, comme s'il avait joué le dénouement à pile ou face, histoire de matérialiser, dans la construction du film, la théorie qui le sous-tend. Si, dans la seconde moitié, les personnages, Chris et Nola principalement, commencent à vivre de manière émotionnelle intense, toute la première partie fait vibrer principalement la fibre mentale. Les protagonistes et les écrins sont alors stylisés avec un talent magistral qui touche beaucoup plus l'intellect que le coeur. Ils évoluent ensuite, de manière opportune, avec le changement de niveau vibratoire du drame. Chris, durant un long moment, semble figé derrière un masque impersonnel de beau gosse inexpressif et froid. Il apparaît alors particulièrement terne face à une Nola dont le feu intérieur est difficilement masqué par une correction factice. Lorsque les événements se précipitent, il laisse échapper une nappe de sentiments dont on ne soupçonnait pas l'existence. Une ambiguïté plane également sur les autres intervenants. S'ils traversent la vie avec des oeillères, s'ils sont croqués sous forme de marionnettes parfois exaspérantes (Chloé ne semble pas imaginer qu'il puisse exister des souffrances dans un monde où ne poussent que de goûteux blinis au caviar et où ne coulent que des ruisseaux de cocktails au champagne ! et cependant son aveuglement ne la rend jamais antipathique, bien au contraire.), ils engendrent néanmoins une sympathie paradoxale (Alec ne songeant qu'au bien-être de sa famille). 
 
   Il est quelquefois frustrant que Woody Allen coupe net une scène que l'on aurait aimé voir se développer quelques secondes de plus. Il semble dire, avec son regard ironique : "Vous n'aurez à vous mettre sous la dent que ce que je désire vous offrir, rien de plus, rien de moins, je suis le maître à bord"... Un maître invisible, mais incontestablement présent derrière chaque plan. L'irritation naît parfois devant cette directivité glaciale, et, pourtant, il est facile de se laisser emporter par le naturel absolu des séquences, par l'évidence spontanée de situations trop souvent surchargées de symboles ou de galimatias aussi pompeux qu'inutiles. De là à ressentir une admiration sans bornes, comme cela semble être le cas pour la majorité des critiques, il y a loin ! L'ensemble est intelligent, conduit avec une maîtrise impériale, étonnamment amoral, habité par des acteurs qui s'immergent avec maestria dans les carapaces qui leur sont prêtées. Un des rares critiques peu enthousiastes (Philippe Azoury dans "Libération") écrit : "Même Scarlett Johansson est décevante. Ceux qui l'aiment n'iront pas voir le film". Peut-être émet-il une vérité que l'on peut inverser : n'étant que très peu sensible au prétendu charme de l'actrice, je l'ai trouvée tout à fait en situation dans cette oeuvre !... Mais, globalement, l'émotion, l'ivresse, l'émerveillement, l'excitation du coeur, ne sont que très rarement au rendez-vous !
   
Bernard Sellier