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La meilleure façon de marcher,
      1976,  
 
de : Claude  Miller, 
 
  avec : Patrick Dewaere, Patrick Bouchitey, Claude Pieplu, Michel Blanc, Christine Pascal, Michel Such,
 
Musique : Alain Jomy

 
 
1960. Une colonie de vacances comme des milliers d'autres, dirigée, si l'on peut dire, par un homme débonnaire (Claude Pieplu). Son fils, Philippe (Patrick Bouchitey) fait partie des moniteurs, en compagnie de cinq jeunes du même âge, dont Hervé (Franck d'Ascanio), Gérard (Marc Chapiteau), Deloux (Michel Blanc) et le meneur, Marc (Patrick Dewaere). Tandis que le groupe d'enfants dirigé par Philippe répète une pièce de théâtre, celui que commande Marc joue au football sous la pluie battante. Un soir, Marc entre sans frapper dans la chambre de Philippe et découvre celui-ci déguisé en femme. Dès lors, c'est un étrange rapport qui s'établit entre les deux hommes... 
 
 Quelle réussite pour un premier long métrage ! Claude Miller y insuffle déjà ses qualités d'analyste psychologique hors pair, qui trouveront leur complet développement dans le génial "Garde à vue", cinq ans plus tard. A travers des situations banales, quotidiennes, comme en sont émaillés les séjours des colonies, il dissèque avec authenticité et intensité le rapport ambigu, sournois, qui s'établit entre les deux adversaires. Marc, incarné de manière grandiose par un Patrick Dewaere survolté, est l'archétype du beauf gueulard, du connard premier choix, odieux, sadique, qui cache sous une chape de méchanceté vicieuse les blessures internes qui, forcément, sommeillent au fond de lui. Mais son comportement a atteint un tel point de naturel, qu'il parvient à les empêcher d'affleurer. On ne peut d'ailleurs éviter de penser, avec tristesse, à ce jour du 16 juillet 1982, où, dans la "vraie vie", cette fois, la coupe débordera pour l'acteur, au point de résoudre les problèmes d'une balle de fusil ! Une étrange fatalité colle à ce film, puisque la douce Christine Pascal se suicidera également le 30 août 1996 ! 
 
 Philippe, (rôle dans lequel Patrick Bouchitey se montre également étonnant), est son antithèse. Sensible, torturé, fragile, il est un écorché vif, incapable, comme le serait un enfant de six ans, de protéger sa vérité. Avec sécheresse, le réalisateur analyse au scalpel les évolutions de ce rapport dominant-dominé, jusqu'à ce final costumé, aussi intelligent que jouissif, qui voit, pour la première fois, le jaillissement de l'adulte chez l'humilié.  
 
 Le contexte est bien sûr extrêmement daté. On imaginerait difficilement aujourd'hui le malheureux Michel Blanc, déjà enfoncé (pour son 4ème film), dans les rôles de refoulé, se faire jeter avec pertes et fracas hors de la colonie, parce qu'il cache trois photos pornos sous son oreiller ! Mais qu'importe ? L'oeuvre conserve, malgré les ans et les libéralisations des moeurs, une puissance intacte, une cruauté indélébile. Le "second" final, situé quelques années plus tard, apporte une note rose (pâle ?) à ce drame. Cette ouverture vers l'espoir ne sera pas renouvelée dans le sombrissime "Garde à vue"...
   
Bernard Sellier