Mozart in the jungle, Saison 1, série de Roman Coppola, commentaire

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Mozart in the jungle,
      Saison 1,      2014,  
 
de : Roman  Coppola..., 
 
  avec : Gael Garcia Bernal, Lola Kirke, Saffron Burrows, Bernadette Peters, Malcolm McDowell, Hannah Dunne, Mark Blum, Nora Arnezeder,
 
Musique : Roger Neill, Jean Sibelius, Piotr Illitch Tchaïkovsky


 
Le célèbre chef d'orchestre Thomas Pembridge (Malcolm McDowell) donne son dernier concert avec le symphonique de New-York. Il sera désormais remplacé par un jeune prodige espagnol, Rodrigo De Souza (Gael Garcia Bernal). Celui-ci fait la connaissance d'une charmante hautboïste Hailey Rutledge (Lola Kirke), passionnée par son instrument. Il lui donne sa chance en intégrant l'orchestre, mais la première répétition ne se passe pas comme espéré... 
 
 Il n'est pas courant de voir la musique classique occuper le premier plan dans une série télévisée. Un immense merci à Amazon prime vidéo d'avoir programmé celle-ci pour son ouverture sur les écrans français. Car, tout en offrant aux oeuvres un écrin délicat, les scénaristes ont habillé leur création de couleurs suffisamment chatoyantes et captivantes pour que même les plus réfractaires à ce type de musique trouvent leur compte et surtout leur bonheur dans les débuts chaotiques de ce chef pour le moins atypique. Rodrigo est en effet un personnage haut en couleurs. Imprévisible, poète, fantasque, inspiré, mais quasiment ingérable, il inonde cette première saison de sa fougue irrépressible et de ses délires étourdissants. Obsédé par son maté tiède, changeant régulièrement son programme d'ouverture, capable des dérives les plus inattendues, il ne correspond guère à l'idée que le public peut se faire du chef d'un grand orchestre mondial. Mais il affiche une personnalité tellement riche, corrosive et attachante que l'on s'immerge d'emblée dans le rayonnement magique de son aura. 
 
 Bien qu'il occupe le devant de la scène, les personnages qui le côtoient sont loin d'être oubliés. Hailey, la principale, mais également nombre de figures hautes en couleurs, avec une mention particulière pour le maestro sortant, Thomas. Le récit brosse avec acuité et gourmandise les deux trajectoires inverses : celle du jeune fou qui apprend à gérer le bouillonnement de ses pulsions, et celle du vieux maître, traumatisé par le déclin inexorable de sa gloire médiatique. Autour de ces trois étoiles, gravitent nombre de satellites aux puissants égos, caractérisés avec vigueur : Betty (Debra Monk), la hautboïste peste ; Cynthia Taylor (Saffron Burrows), la violoncelliste ; Ana Maria (Nora Arnezeder), la violoniste rebelle et hystérique ; Lizzie (Hannah Dunne), la colocataire à la langue bien pendue ; Gloria Windsor (Bernadette Peters), la gestionnaire écartelée entre la responsabilité de l'administration financière de l'orchestre et les frasques menaçantes du nouveau chef... Tout un monde qui manifeste l'unité lorsque le concert commence, mais qui parfois s'étripe sans ménagement dès que le rideau est tombé. Certaines scènes du début, avec l'intervention du syndicaliste, rappellent les tourments subis par Zoltan Szanto (Niels Arestrup) dans "La tentation de Vénus". 
 
 Jamais rébarbatif, gorgé de rythme, d'énergie, d'inventivité, d'insolence, d'humour (le parallèle entre l'instrument joué et la manière de faire l'amour), de surprises, l'histoire nous promène dans un univers houleux, parfois impitoyable, avec une passion de la musique et de ceux qui l'interprètent chevillée au corps. Et offre au spectateur, après quelques moments de bonheur et de grâce (en particulier l'interprétation de l'ouverture 1812 dans la cour tagguée d'une banlieue sordide), un finale qui, sans peut-être atteindre son niveau émotionnel, évoque l'apothéose du "Concert" de Radu Mihaileanu. Mais ici, c'est le sublime concerto pour violon de Sibélius qui est à l'honneur.
   
Bernard Sellier