La fille du professeur Stangerson (Michael Lonsdale), Mathilde (Sabine Azema), a été agressée dans sa chambre jaune, alors que la porte était fermée de l'intérieur et que personne ne s'y trouvait. Pour démêler ce mystère peu banal, arrivent au domaine du Glandier, où s'est déroulé le drame, l'inspecteur Frédéric Larsan (Pierre Arditi), le juge d'instruction De Marquet (Claude Rich), ainsi que Joseph Rouletabille (Denis Podalydes), jeune journaliste accompagné de son ami Sinclair (Jean-Noël Brouté). La jeune femme est vivante, mais ne peut fournir d'explication à ce qui s'est passé. Son fiancé, Robert Darzac (Olivier Gourmet) devient suspect...
Le roman de Gaston Leroux, bien que passionnant pour qui le découvre, ne se prêtait pas a priori facilement à une transposition cinématographique. Tout d'abord, l'histoire est relativement mince et perd rapidement de son intérêt lorsque l'on connaît la solution de l'énigme. Ensuite, le personnage de Rouletabille est loin de posséder le tempérament excessif, romantique, bouillonnant, ludique, extraverti ,de son concurrent romanesque, le brillantissime Arsène Lupin.
Bruno Podalydès a incontestablement réussi son pari. Sans recourir à une modernisation artificielle, à une débauche d'ajouts déplacés ou de transpositions scénaristiques, il s'est contenté de suivre la trame du roman en lui insufflant une douce et délicate folie dans le traitement des caractères et le jeu des protagonistes. Ceux-ci ne versent jamais dans le grotesque, mais possèdent suffisamment de verve, de vernis farfelu, pour égayer et vivifier cette aventure bien connue. Du vieil inventeur baroque et lunaire qui construit des véhicules à énergie solaire demeurant sur place dès qu'un nuage intercepte le soleil, au juge d'instruction abruti, délicieusement croqué par un Claude Rich toujours grandiose, en passant par le jeune Rouletabille, à la fois juvénile et grave, plus vrai que nature, on se régale de ces scènes rendues jouissives grâce à un montage fringant et à l'esprit qui anime l'ensemble.
Un humour bienvenu, une reconstitution délicatement rétro (les vignettes intercalées à la mode des films muets), une animation de certains plans qui s'apparente quelque peu au dessin animé, font de cette oeuvre une sympathique et jouissive transposition. Cela dit, demeure tout de même une réserve qui est déjà applicable, à mon sens, au roman : une prépondérance du fait sur le sentiment, une certaine superficialité, une distanciation froide, qui procurent à cette histoire, pourtant très passionnelle, une absence gênante d'émotion et empêchent le spectateur de s'impliquer en profondeur. Cet aspect sera, autant que mes souvenirs de lecture, qui remontent à quelque trente ans, soient fidèles, en partie gommé dans la suite : "Le parfum de la dame en noir".
Bruno Podalydès a choisi la fidélité à la trame et au texte, ce dont on ne peut lui tenir rigueur, d'autant plus que le résultat de cette probité est des plus divertissants.