Bienvenue sur le site d'un manipulateur de mots, passionné d'écriture, de cinéma, de musique, d'ésotérisme...     

The nightingale,
       2018,  
 
de : Jennifer  Kent, 
 
  avec : Aisling Franciosi, Michael Sheasby, Maya Christie, Claire Jones, Damon Herriman, Sam Claflin,
 
Musique : Jed Kurzel

   
    Ne pas lire avant d'avoir vu le film

   
L'Australie est sous domination anglaise en 1825. Une jeune Irlandaise, Clare (Aisling Franciosi) est en fin de condamnation et espère pouvoir vivre libre avec son mari, Aidan (Michael Sheasby). Mais son officier de tutelle, le lieutenant Hawkins (Sam Claflin) refuse d'envoyer son certificat de libération. Il la viole et tue son époux ainsi que leur enfant. Clare décide de pister le militaire qui se rend à pied dans le nord pour être nommé capitaine...

    Sur le papier, nous sommes en présence d'un film de vengeance personnelle. Mais il apparaît très vite que cette oeuvre, à l'esthétique et à la narration très personnelles (tournage en 4/3, ce qui est plus qu'étonnant étant donné que la nature joue un rôle important), n'a rien de commun avec les classiques aventures formatées qui apparaissent périodiquement sur les écrans, tels le «Revenge» de Coralie Fargeat, par exemple. Certes, le drame intime vécu par la jeune Clare est au centre de l'histoire, et sa quête vengeresse sous-tend l'ensemble du récit. Mais celui-ci est loin de se limiter à l'obsession et la souffrance individuelle de l'héroïne. C'est en fait une charge féroce contre l'oppression britannique qui explose aux yeux des spectateurs. Une domination qui pratique le nettoyage systématique de toutes les individualités et cultures autochtones comme cela s'est déroulé aux États-Unis à la même période. Le terme «justice» est inconnu, tandis que celui de «racisme» est ancré fondamentalement dans l'esprit des colons et des militaires qui pratiquent le nettoyage ethnique sans aucun état d'âme. Les scènes dramatiques sont relativement rares dans ce film qui dure 130 minutes. Mais la violence barbare qui y explose se grave dans l'esprit de façon indélébile, d'autant plus qu'elle surgit d'une énergie foudroyante et échappe à toute complaisance. Quant à la sauvage dangerosité de ce pays hostile, tant par ses forêts impénétrables que par les rares humains qui l'habitent, elle transpire à chaque minute, à chaque plan.

    L'actrice qui incarne Clare est tout simplement extraordinaire d'expressivité subtile, tandis que son guide (Baïkali Ganambarr), dont c'est la première apparition à l'écran, se montre d'une troublante authenticité. Le cas des deux monstres, en l'occurrence le lieutenant Hawkins et le sergent Cruz (Damon Herriman), est plus complexe. La scénariste-réalisatrice a choisi d'en faire deux incarnations du mal, certes différentes (Hawkins est un sadique pervers, tandis que Cruz est à la limite de la débilité mentale), mais radicales et immuables. Cette fixité absolue peut desservir la dramaturgie aux yeux de certains spectateurs. Il n'en demeure pas moins que cette oeuvre difficile, éprouvante, parfois tétanisante, donne naissance à une poignante tragédie intime sur fond de génocide larvé. 
   
Bernard Sellier