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Okja,
        2017, 
 
de : Joon-ho  Bong, 
 
  avec : Tilda Swinton, Jake Gyllenhaal, Giancarlo Esposito, Seo-Hyun Ahn, Michael Mitton, Paul Dano,
 
Musique : ??


   
2007. Lucy Mirando (Tilda Swinton), PDG d'une puissante multinationale agro-alimentaire, met en place un étrange plan d'action. 26 cochons génétiquement modifiés sont envoyés grandir en divers points du monde. 10 ans plus tard, dans un coin perdu de Corée du Sud, l'énorme Okja est le compagnon de jeux idéal de la jeune Mija (Seo-Hyun Ahn). Un jour, une équipe arrive avec pour mission d'emmener l'animal à New York pour l'élection su 'super cochon'... 
 
   Étrangement sélectionnée au Festival de Cannes 2017, alors qu'elle ne sera jamais projetée dans les salles, puisque produite en exclusivité pour la chaîne Netflix, cette oeuvre ne manque pas d'un charme certain. La conjonction d'une délicieuse fillette (la jeune actrice coréenne de 13 ans, très expressive, est particulièrement bien choisie) et d'un bon gros cochon dont les yeux tendres concurrenceraient ceux de Michèle Morgan dans "Quai des brumes" (le célébrissime 'T'as d'beaux yeux, tu sais'), ne peut que faire craquer le spectateur, même s'il n'a pas l'âge d'avoir essuyé une larme devant "E.T.". 
 
   Second point très largement positif, la qualité des effets spéciaux et de la photographie, due au maître en la matière Darius Khondji. Sans posséder une TV ultra haute définition dernier cri, nul besoin d'une quelconque imagination pour croire à la réalité de cet énorme quadrupède qui tient à la fois du cochon et de l'hippopotame. Il est d'un réalisme époustouflant. 
 
   Mais le film ne se veut pas uniquement une sensible histoire d'amour entre les deux héros. Même si celle-ci tient une place majeure dans le récit. Le but de l'entreprise est de dénoncer vigoureusement deux domaines qui s'entremêlent. D'une part l'industrie agro-alimentaire qui, à l'instar de toute multinationale qui se respecte, cherche par tous les moyens à s'en mettre plein les poches, quelles que soient les conséquences sur la santé ou le respect de la nature. D'autre part une mise en spectacle destinée à masquer aux yeux du public ébahi tout ce qui ne doit pas être divulgué. Jusque là, tout va bien. Il est impossible de ne pas adhérer à cette double condamnation, à moins d'être un actionnaire de Monsanto ou de Bayer, très riche et très inconscient. 
 
   En revanche, il est possible de s'interroger sur la voie choisie par le réalisateur et les scénaristes pour développer leurs idées. Dès l'ouverture de l'histoire, apparaît une Lucy caricaturale à souhait, évoquant vaguement la Cruella de Vil (Glenn Close) des "101 Dalmatiens", qui est entourée d'une cour plus ou moins déjantée (la lèche-cul Jennifer (Shirley Henderson), dont la voix française est un régal de nunucherie). Mais le clou du spectacle est occupé par le 'docteur' Johnny Wilcox (Jake Gyllenhaal), qui, en présentateur hystérique et déglingué, en fait des tonnes. Satire, dira-t-on. Pourquoi pas. Mais est-il sûr que présenter cette galerie représentative des malfaisants mondiaux sous une forme aussi simpliste que pitoyable et finalement sous l'apparence de marionnettes plus stupides que dangereuses, représente la meilleure façon de les condamner ? C'est discutable. 
 
   Passons au groupe du FLA (front de libération animal), dirigé par Jay (Paul Dano). Bardé de convictions profondes, ami indéfectible de la cause animale, porteur d'une éthique rigoureuse, il est le porte étendard de la défense des espèces menacées. Mais ça ne l'empêche nullement de tabasser vigoureusement l'un de ses adjoints. Du coup, sa cause de protecteur en prend un sacré coup dans l'aile. Surtout que l'oeuvre est très bavarde, et que cette verbosité ne quitte jamais les lieux communs connus par tous. 
 
   Tout le film est un peu à l'image de ces contradictions, de ces limites, de ces choix narratifs ambigus. Si la thèse générale de l'histoire ne fait pas de doute fondamentalement, son expression visuelle et narrative laisse perplexe. De même que son impact réel. Au bout du compte, ne reste qu'une fable profondément sympathique ainsi que la juxtaposition de séquences jubilatoires et de scènes d'abattage perturbantes.
   
Bernard Sellier