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Le parrain 2,
      (The godfather  2),      1974, 
 
de : Francis Ford  Coppola, 
 
  avec : Marlon Brando, Al Pacino, James Caan, Robert Duvall, Robert de Niro, Diane Keaton, Danny Aiello, Talia Shire, John Cazale,
 
Musique : Nino Rota, Carmine Coppola

  
   
1901. Courte rétrospective. Vito Andolini, âgé d'une douzaine d'années, perd ses parents, assassinés par un chef mafieux Sicilien, Don Ciccio (Giuseppe Cillato). L'enfant, qui échappe de peu à la tuerie, est embarqué sur un navire pour les Etats Unis. A peine débarqué à New York, il est mis en quarantaine pour cause de variole. Retour en 1958. C'est la grande fête chez Michael Corleone (Al Pacino), dans sa luxueuse prorpiété du Lac Tahoe (Nevada), à l'occasion de la communion de son fils Anthony (James Gounaris). Le Sénateur Pat Geary (G.D. Spradlin) fait une apparition remarquée. Mais sa présence a surtout pour but les "affaires". Celles-ci se passent fort mal, Michael ayant l'intention de mettre la main sur un hôtel casino et d'évincer le tenancier en place, ce qui n'est guère du goût du politicien. Une tentative d'assassinat manquée contre Michael et son épouse Kay (Diane Keaton) met le feu aux poudres. Michael confie la jeune femme, enceinte, à son demi-frère Tom Hagen (Robert Duvall) et se rend à Miami afin de finaliser une association avec le richissime et célèbre Hyman Roth (Lee Strasberg)... 
 
   Tourné seulement deux ans après le "Parrain" premier du nom, cette "suite" s'inscrit dans une continuité classique, mais ouvre sa narration à un passionnant parallèle entre les deux évolutions individuelles : celle de Vito, incarné de manière exemplaire par Robert de Niro, tellement en symbiose avec la personnification qu'en donnait Marlon Brando, que, bien souvent, le spectateur a l'impression que la voix entendue, les gestes aperçus sont une photocopie des siens ; et celle de Michael, un demi-siècle plus tard, lui aussi sublimé par un Al Pacino grandiose. La trame fondamentale ne varie guère : complots, hypocrisie, calculs, orgueil insensé, délire de puissance, meurtres... La routine tragique et désespérante des Mafiosi. L'ouverture du film se fait, comme dans l'opus précédent, par une fête. Longuement exposée, comme il se doit. Dans un premier temps, une interrogation se présente à l'esprit : était-il vraiment nécessaire de donner une suite au chef-d'oeuvre originel ? L'histoire qui va se développer sous nos yeux ne sera-t-elle qu'une répétition, une contrefaçon destinée à profiter de la réussite première ? La réponse s'impose rapidement : non ! Bien sûr, les événements, les péripéties sont quasiment identiques, seuls les protagonistes changent. Mais la descente dans le monde passionnel, psychologique, pathologique du nouveau "Parrain" possède une telle puissance, que l'utilité de cette suite s'impose comme une évidence. Déchiré entre son rôle de meneur, où n'entrent en compte ni pitié, ni faiblesse, ni états d'âme, et les quelques élans de sa conscience d'homme aspirant à changer le cours d'une vie emportée par le crime, Michael devient, au fil du récit, un être tour à tour répugnant, ténébreux, émouvant, bref, intensément vivant. 
 
   Bien rarement auront été aussi palpables, autant perceptibles par le citoyen ordinaire, étranger à ce monde autarcique, pervers et diabolique, l'étouffement chronique, la claustration accablante, l'austérité fiévreuse, qui sont le lot de ces familles marquées à jamais par le délire des chefs de clan. (Chez les Corleone, on rigole tous les 30 février) ! A ce titre, le personnage emblématique de Kay, effacé, comme il se doit, tout au long de sa vie dans l'ombre, nous livre, dans une scène sobre et magnifique, le désespoir occulte de cette femme, réduite, comme ses consoeurs, à l'état de potiche : elle fait disparaître l'enfant mâle qu'elle attendait, pour ne plus entretenir cette suite ininterrompue de massacres et de monstruosités.  
 
   Parsemée de reconstitutions grandioses, de moments intenses, dotée d'un scénario plus riche et tortueux que précédemment, le récit se développe avec lenteur, générant, plus encore qu'auparavant, une sorte d'hypnose qui permet aux personnages d'imprimer leurs marques dans l'âme du spectateur. Certaines longueurs sont présentes (la commission d'enquête, par exemple). Mais quelques menues réserves n'entament en rien la grandeur et le magnétisme qui se dégagent de cette saga intensément triste.
   
Bernard Sellier