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Une place au soleil,
      (A place in the sun),       1951, 
 
de : George  Stevens, 
 
  avec : Montgomery Clift, Elizabeth Taylor, Shelley Winters, Anne Revere, Raymond Burr, Fred Clark,
 
Musique : Franz Waxman

   
   
Charles Eastman (Herbert Heyes) est le riche directeur d'une entreprise de confection. Il reçoit un jour la visite de son filleul, George (Montgomery Clift), auquel il avait promis, lors d'une rencontre quelques semaines plus tôt, un poste dans son entreprise. Son épouse voit d'un fort mauvais oeil arriver ce jeune homme pauvre, totalement étranger au monde de luxe dans lequel elle évolue. Mais, fidèle à sa promesse, Charles engage le fils de son frère Adrien, avec lequel, apparemment, les liens étaient plus que distendus. Malgré la mise en garde qui lui a été faite, George devient amoureux d'une employée, Alice Tripp (Shelley Winters). Simultanément, il est fort attiré par une élégante juene femme, riche et désinvolte, Angela Vickers (Elizabeth Taylor), grande amie de la famille Eastman... 
 
   Illuminé par la beauté fragile et lumineuse d'une Elizabeth Taylor âgée de seulement 19 ans, encore bien éloignée de l'autorité impériale qu'elle affichera une décennie plus tard dans "Cleopâtre", le film se concentre sur le personnage énigmatique, ténébreux, de Charles, idéalement incarné par Montgomery Clift, sans doute l'un des acteurs les plus attachants et sensibles que le cinema nous ait fait connaître. Elevé dans le dénuement, subjugué (au sens propre du terme) par une mère, Hannah (Anne Revere), confite en bondieuseries, dont l'abord revêche et sépulcral plongerait dans l'athéisme le croyant le plus exalté, le malheureux jeune homme, fasciné par le luxe et la réussite qui semblent l'aspirer à l'insu de son plein gré, sombre dans le mensonge, le calcul et la lâcheté. Ecartelé entre l'amour envahissant, captateur, d'une Alice, simple, aimante, mais relativement terne, et l'aura magnétique d'une Angela bouillonnante, spontanée, qui masque, sous une frivolité superficielle une profonde sensibilité, Charles devient inconsciemment un criminel en puissance. Le réalisateur rend superbement son étouffement intérieur, que le sourire mélancolique et l'enjouement de façade ne parviennent jamais à masquer. Il analyse avec subtilité la frontière ténue qui sépare l'acte volontaire de l'intention, de la passivité inconsciente, dont le résultat conduit à la même issue tragique. Dans le regard de Charles, dans le comportement de son personnage écrasé par la culpabilité, défile le cortège des tourments intérieurs, des doutes, des désirs inavouables, des veuleries émergentes. La mise en scène fait la part belle aux contrastes ombre/lumière, fidèle en cela à la coexistence permanente de ces deux opposés dans le tempérament du jeune arriviste. Dommage que la musique soit à plusieurs reprises envahissante et que le doublage, très daté années cinquante, passe parfois assez mal aujourd'hui.
   
Bernard Sellier