Nous sommes à la fin du dix-huitième siècle. Une jeune femme peintre, Marianne (Noémie Merlant) est conduite sur une île désolée pour peindre le portrait d'Héloïse (Adèle Haenel), récemment sortie du couvent pour être mariée à un Milanais qu'elle n'a jamais vu. La tâche est difficile, car un portraitiste précédent n'avait pas réussi l'entreprise...
Une bâtisse lugubre sur un îlot battu par la tempête, où résident, solitaires, une jeune fille ténébreuse, sa servante, Sophie (Luàna Bajrami) et sa mère, la comtesse (Valeria Golino). Le décor est minimaliste et l'atmosphère pour le moins cafardeuse. La luminosité crue des scènes tournées sur la plage s'oppose violemment aux nombreuses séquences intimistes, souvent filmées dans une pénombre uniquement éclairée par la flamme des bougies, évoquant quelque peu le 'Barry Lyndon' de Kubrick. Le film entre sur la pointe des pieds dans ce cocon pas si douillet que cela. La relation entre l'artiste et la "victime" se fait d'abord distante, hésitante, délicate. Un mystère plane sur l'histoire de ces deux soeurs, dont l'aînée est morte peu de temps auparavant de manière mystérieuse. On ne peut que penser au Manderlay de 'Rebecca', même si la composante taciturne d'Héloïse autorise peu à peu une lumière à se distiller dans les lieux.
Durant les (très) longues cent vingt minutes du film, se développe une attirance mutuelle entre les deux jeunes femmes. Si l'on regarde cette évolution de manière positive, on ne peut que louer la finesse et la justesse des émotions contenues qui, progressivement, émergent des profondeurs intimes. L'alanguissement du rythme, la durée de certains plans (longue lecture et discussion sur le mythe symbolique d'Orphée et Eurydice), épousent parfaitement la lenteur de l'éclosion des sentiments et de la manifestation des pulsions. Mais si le film parvient à rendre avec sincérité, fidélité, cette peinture de l'isolement et de l'ouverture du coeur (le nuancier expressif d'Adèle Haenel est d'une richesse exceptionnelle !), cela ne se fait qu'en générant un ennui parallèle chez le spectateur. Comme c'est hélas souvent le cas dans les films français, une partie des dialogues se perd, soit pour cause d'articulations précipitées, soit en raison d'un engloutissement des voix dans un bruitage marin envahissant (surtout dans le premier tiers du film).
C'est beau, sensible, intelligent, mais terriblement soporifique...