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Rebecca,
   1940, 
 
de : Alfred  Hitchcock, 
 
  avec : Joan Fontaine, Laurence Olivier, George Sanders, Judith Anderson, Gladys Cooper, Nigel Bruce, Leo G. Carroll, Melville Cooper,  
 
Musique : Franz Waxman

  
   
Edythe Van Hopper (Florence Bates), une vieille richissime acariâtre, passe des vacances à Monte-Carlo en compagnie de sa jeune demoiselle de compagnie (Joan Fontaine), et s'ennuie. Elle croise un jour un visage célèbre, celui de Maxime de Winter (Laurence Olivier), veuf depuis un an, et inconsolable. Ravie de cette aubaine, elle espère en tirer des distractions, mais Maxime ne se montre pas fort empressé. En revanche, il s'attache à la jeune fille qu'il emmène, en cachette de sa patronne, dans des promenades quotidiennes. Lorsque Mme Van Hopper décide de partir précipitamment pour New York, où sa fille se marie, c'est le grand désespoir pour la demoiselle. Mais Maxime vient à son secours en lui proposant de devenir la "seconde Madame de Winter". Le mariage a lieu et les époux gagnent Manderlay, le fabuleux château que possède Maxime, et sur lequel règne en souveraine l'inquiétante gouvernante, Mme Danvers (Judith Anderson). Celle-ci accueille la nouvelle venue de manière glaciale... 
 
   "Rebecca" est le premier film "américain" d'Hitchcock. Et sa réussite, qui tient autant à la trame fine et tendue du roman de Daphné du Maurier, qu'au traitement que lui a appliqué le réalisateur, est enthousiasmante.  
 
   Grâce à l'histoire, tout d'abord, romantique au sens épuré du terme, dans laquelle les sentiments sont exacerbés sans devenir larmoyants. Si l'on excepte la longue explication donnée par Maxime à sa femme, lorsqu'est découvert l'épave du bateau de Rebecca, la concision est toujours de règle. Les situations, les individualités, dans leur profondeur, leurs troubles, leur intimité, leurs pensées secrètes, sont croquées en quelques plans, en quelques répliques, qui visent toujours l'essence même du drame.  
 
   Celui-ci, simple en lui-même, a l'intelligence et la subtilité d'installer une héroïne centrale invisible, autour de laquelle tournent toutes les pensées, et qui, pourtant, n'existe plus physiquement, mais dont chaque pièce, chaque personne qui l'a approchée, conserve l'empreinte indélébile. Sans parler, bien sûr, de cette Mme Danvers, sorte d'ombre démoniaque , de spectre éthéré, apparaissant comme par magie dans les pièces, qui ne vit que dans le souvenir de celle qui était son idole.  
 
   Grâce à l'intensité du récit, ensuite, merveilleusement servie par un couple en état de grâce. Est-il possible d'oublier le regard perdu de Laurence Olivier ou, surtout, le visage illuminé de la merveilleuse Joan Fontaine, dans lequel brille toute la pureté du monde ? Chaque plan, chaque scène cernent l'indispensable et suggèrent avec une efficacité redoutable tout ce qui n'est pas exprimé.  
 
   Grâce au décor, enfin, qui tient une place importante. Ce vieux château digne de Louis II de Bavière, avec ses interminables couloirs, ses clochetons et ses immenses pièces baroques, convient merveilleusement bien à cette initiation au mystère qui attend la jeune épousée. Il est une sorte d'antre plutonienne, nimbée de brumes, dont le spectre se dresse au bord de l'océan. L'eau (symbole de l'inconscient), tient d'ailleurs une place très importante tout au long du récit. Lorsque Joan Fontaine (on remarquera, d'ailleurs, qu'elle n'est jamais nommée dans le film, semblant n'avoir d'existence réelle qu'en tant que "seconde Madame de Winter" !), rencontre Maxime, il est au bord d'une falaise et fixe la mer. Lorsque le couple arrive à Manderley, une pluie diluvienne s'abat sur eux. Et, bien sûr, c'est encore l'océan qui "rend" le bateau de Rebecca et provoque la tragédie. Cet élément primordial ne sera remplacé qu'in-extremis, par le feu... 
 
   Une oeuvre qui s'apparente, par certains thèmes ( la dissimulation, l'amour et la confiance absolus, par exemple), à "La maison du docteur Edwardes", tourné 5 ans plus tard, avec un autre couple merveilleux : Ingrid Bergman & Gregory Peck. Pourtant, cette transposition du roman de Daphné du Maurier me semble infiniment plus envoûtante, magique et poignante. 
 
   N.B. Les passionnés de ce film peuvent acheter le petit ouvrage intitulé "Précis d'analyse filmique" de François Vanoye et Anne Goliot-Lété, dans lequel une large place est faite à l'étude détaillée de l'oeuvre.
   
Bernard Sellier