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Quand passent les cigognes,
        (Letyat zhuravli),     1957, 
 
de : Mikhaïl  Kalatozov, 
 
  avec : Tatyana Samojlova, Aleksey Batalov, Aleksandr Shvorin,
 
Musique :  Moisey Vaynberg

   
   
Bien qu'il soit très amoureux de la jolie Veronica (Tatyana Samojlova), et qu'un mariage soit même envisagé, Boris (Aleksey Batalov) décide de s'engager lorsque la guerre est déclarée avec l'Allemagne. Juste avant son départ il lui fait parvenir un mot tendre caché dans le panier d'un petit écureuil. Mais la jeune fille ne le découvre pas. Elle se languit de lui, ne reçoit aucune nouvelle, et subit les pressantes avances du cousin de Boris, Mark Alexandrovitch (Aleksandr Shvorin), compositeur, pianiste et nullement désireux de s'engager dans le conflit... 
 
   Un thème très classique qui annonce, cinquante ans à l'avance "Un long dimanche de fiançailles", d'autant plus que l'une des scènes qui ouvrent le film de Jean-Pierre Jeunet reprend presque à l'identique celle où l'on voit Veronica relier les chances de retour de son fiiancé à une improbable coïncidence. Aucune scène de combat ne vient ensanglanter ce drame fondamentalement guerrier mais profondément intimiste, focalisé sur les souffrances intérieures, les espérances fragiles, de celles et ceux qui attendent l'hypothétique retour des parents et conjoints partis au front. Le réalisateur offre quelques belles scènes de foule aussi intenses que vivantes, mais c'est surtout l'incarnation vibrante de Tatiana Samoïlova qui reste gravée dans la mémoire. Son exubérance juvénile et son charme mutin font tout d'abord penser à Audrey Hepburn avant que l'angoisse et la culpabilité ne provoquent le basculement de son être vers une intériorisation progressive et une détresse pathologique poignantes. Emotions et sentiments sont exacerbés par le poids des événements extérieurs, la glace et le feu s'entremêlent, et une grande pudeur ainsi qu'une sensibilité à fleur de peau donnent à cette tragédie une troublante authenticité.  
 
   Une œuvre fiévreuse et touchante, peut-être moins immédiatement envoûtante que la romantique et sombre "Waterloo Bridge", de Mervyn LeRoy.
   
Bernard Sellier