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Révélations,
       (The insider),     1999, 
 
de : Michael  Mann, 
 
  avec : Al Pacino, Russell Crowe, Diane Venora, Christopher Plummer, Debi Mazar, Rip Torn,
 
Musique : Pieter Bourke, Graeme Revell, Lisa Gerrard


   
Jeffrey Wigand (Russell Crowe), vice président et expert scientifique de la troisième firme de cigarettes américaine, est licencié. Contacté par Lowell Bergman (Al Pacino), journaliste animateur avec son collègue Mike Wallace (Christopher Plummer) d'une des émissions d'investigation les plus regardées des Etats-Unis, " 60 minutes ", il envisage la possibilité de révéler au public les trucages chimiques que pratiquent les firmes pour augmenter la dépendance des fumeurs à la nicotine. Mais les menaces ne tardent pas à s'accumuler pour le contraindre au silence. 
 
   Sujet particulièrement fort et traitement cinématographique en harmonie. L'ouverture du film, sans rapport direct avec l'histoire (en grande partie authentique) qui nous est contée, cadre de façon spectaculaire le caractère de Bergman. Elle donne déjà le ton général : montage taillé à coups de serpe, tension émotionnelle constante, force contenue, droiture. Mais si le personnage de ce journaliste indépendant, obstiné, foncièrement honnête, sûr de lui-même comme de sa mission moralisatrice, tel que l'on aime voir les héros américains, est le pivot de l'oeuvre, il est très habilement contrebalancé par Jeffrey Wigand. Russell Crowe donne à cette personnalité faite de contrastes, pétrie de doutes, de zones d'ombre, de détresse, une composition charnelle extraordinaire de vérité psychologique et de présence physique puissante. Il parvient à rendre évidents et palpables les moments de faiblesse et de rage qui l'habitent et se chevauchent en lui. Tout comme "Heat", ce sont ici les confrontations de ces deux hommes que le destin contraint au dépassement de leurs limites, qui donnent à la réalisation l'essentiel de sa chair et de la passion qui en émane.  
 
   À ce film tout à la fois dramatique, intimiste, à la limite du thriller, Michael Mann insuffle une puissance quasi tragique indéniable, dont le traitement cinématographique, toutefois, m'a laissé par moments perplexe. Il s'agit, certes, de détails totalement subjectifs, ralentis dont je perçois mal l'utilité, musique, souvent superbe, mais parfois étrangement choisie à mon sens, certains excès de gros plans... Et j'avoue avoir éprouvé une certaine difficulté, surtout pendant les premières quarantes minutes, à entrer totalement dans ce drame humain. La pression, le stress qui accompagnaient chacun des deux personnages dans la présentation qui était faite de leur situation à l'entrée de l'histoire était remarquablement rendue, mais me donnait une vague impression d'excès artificiel un peu maniéré et agaçant. Une fois mise en place leur relation et le destin qui les unit dans l'adversité, cette sensation disparaît sous le poids de l'épreuve et la densité de leur composition.  
 
   A l'issue de ces deux heures trente, subsiste avant tout le souvenir d'un spectacle profondément humain, puissamment charpenté, soutenu par deux acteurs impliqués jusqu'à la mœlle dans leur combat pour l'humanité, la justice et la liberté de parole.
   
Bernard Sellier