1780. Louis XVI règne. Le Marquis Grégoire Ponceludon de Malavoy (Charles Berling), ingénieur hydrographe, se rend à Versailles dans l'espoir d'obtenir du roi un aménagement de la région dont il est originaire, la Dombe, dévastée par la fièvre des marais. Il fait la connaissance du Marquis de Bellegarde (Jean Rochefort), et de sa fille Mathilde (Judith Godrèche), promise, par intérêt, au vieux Marquis de Montalieri (Bernard Dheran), qui n'est pas encore tout à fait veuf. Grégoire avait une lettre de recommandation pour le Marquis de Blayac (Lucien Pascal), mais celui-ci venant de trépasser juste avant son arrivée, il lui faut entrer dans les bonnes grâces de la veuve (Fanny Ardant), pour espérer parvenir, un jour, à voir le Roi...
Voilà une comédie française qui, une fois n'est pas coutume, puise son inspiration dans la finesse de l'esprit, même si celle-ci n'est que le vêtement clinquant de courtisans aussi serviles qu'égoïstes. La même année, (est-ce une coïncidence ?), Edouard Molinaro tentait une expérience quelque peu parallèle, avec son "Beaumarchais, l'insolent", dont l'inspiration et la vivacité semblaient passablement émoussés.
Le thème de base n'est pas ici particulièrement jouissif et, a priori, semble peu en adéquation avec la tonalité générale du film. En réalité, au fur et à mesure que se développe l'intrigue, on se rend compte que ce choix est tout à fait judicieux, intelligent. Il met particulièrement en exergue l'étendue de la bêtise, de l'égoïsme et de la superficialité de la cour, par opposition à ce drame humain qui, dans la vision dérisoire qu'en ont les courtisans, nous fait apparaître encore plus odieuse leur stupidité chronique. Il faut dire que nous avons droit à une jolie brochette tant d'acteurs que de numéros gourmands. Les bons mots fusent, c'est le moins que l'on puisse obtenir d'une oeuvre qui explore cet aspect intellectuel peu connu de la royauté mortifère, certains personnages sont particulièrement truculents, au premier rang desquels l'inoubliable composition de Bernard Giraudeau en Abbé de Vilecourt, aussi prompt à manier la langue qu'un serpent à sonnettes, et ne le cédant en rien à Casanova, côté sexe. Alternent avec les séquences hautes en couleurs et en "bagatelles piquantes", de tendres moments bucoliques où la belle Mathilde, dont la générosité touche à la compassion, nous entraîne dans la quête de la science naissante (elle s'est fabriqué un ancêtre de scaphandre) et de la découverte de la vérité intérieure.
C'est un ensemble vivant, souvent pétillant, parfois poétique, qui présente un bel équilibre entre paillardise, sensibilité et subtilité. Regrettons seulement que le couple Grégoire-Mathilde présente une aura quelque peu terne. Si le personnage du jeune ingénieur provincial est traduit par Charles Berling avec justesse dans son inadaptation aux mœurs hypocrites de la cour, on aurait tout de même souhaité qu'il manifeste une individualité plus affirmée. Mais ce n'est là qu'une restriction secondaire.