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Le secret de Brokeback mountain,
    (Brokeback mountain),     2005, 
 
de : Ang  Lee, 
 
  avec : Heath Ledger, Jake Gyllenhaal, Randy Quaid, Michelle Williams, Anne Hathaway, Kate Mara, Valerie Planche,
 
Musique : Gustavo Santaolalla

   
   
1963, dans une petite bourgade du Wyoming, nommée Signal. Deux jeunes hommes, Jack Twist (Jake Gyllenhaal) et Ennis Del Mar (Heath Ledger) sont engagés pour l'été par un éleveur de moutons, Joe Aguirre (Randy Quaid). Ils ont pour mission d'emmener le troupeau dans les montagnes et de veiller sur lui. Les conditions de vie plus que précaires et l'isolement sont difficiles à supporter. Les jeunes gens entament une relation intime, mais, à la fin de leur engagement, repartent chacun de leur côté. Ennis épouse Alma (Michelle Williams). Deux filles naissent. Au bout de quatre ans, Jack réapparaît et les deux hommes replongent dans les délices de leur passion secrète... 
 
   Encensée presque unanimement par la critique, cette œuvre ne manque pas de belles qualités. Des décors grandioses, somptueusement filmés, prennent souvent l'aspect de tableaux de maîtres, et constituent, dans un premier tiers, un personnage majeur à part entière. Deux acteurs que l'on sent, en permanence, profondément impliqués dans leur incarnation. Une approche intimiste des pulsions humaines, loin des démonstrations spectaculaires et des environnements citadins bruyants, qui bien souvent polluent les scénarios et débordent en geysers artificiels. Une mélancolie sous-jacente qui, mêlée à une tendresse respectueuse pour les personnages, installe une atmosphère authentique et touchante. Une narration qui sait prendre le temps de respirer, qui laisse au regard du spectateur le loisir de goûter la splendeur des espaces, de prendre conscience des gestes banaux quotidiens, des silences, de tous ces menus actes qui peuplent les interminables heures d'isolement. 
 
    Malgré cela, l'enthousiasme attendu, espéré, n'est pas au rendez-vous ! Le sujet n'en est probablement pas la cause. L'amour absolu, est indépendant d'une quelconque notion de sexe, qui, par principe, n'est que temporaire. Sans doute la lenteur et l'absence de noeuds dramatiques majeurs (les rares qui existent sont quasiment escamotés, comme, par exemple, le divorce de Ennis), ne sont-elles pas, non plus, responsables. Un film comme "Mort à Venise", est encore moins pavé d'événements que celui-ci, ce qui ne nuit en rien au magnétisme dégagé par le drame. Peut-être est-ce alors dans une distanciation certaine vis à vis des deux amoureux, qu'il faut chercher la cause de l'indifférence ressentie souvent. Certes "indifférence" est un bien grand mot. Trop général, trop radical. Il faut le circonscrire au domaine de l'émotion. Sur le plan purement mental, la tragédie qui ronge ces deux coeurs de manière assez différente (Jack est plus extraverti, plus exalté, davantage en harmonie avec sa pulsion irrésistible ; Ennis est un refoulé, intensément replié sur lui-même), existe de façon tout à fait ostensible et convaincante. Sur le plan intérieur, il est difficile, exception faite de quelques trop fugitifs moments où l'émotion affleure, de se sentir profondément concerné par le vécu de ces deux âmes déchirées. C'est vraiment regrettable car, esthétiquement et humainement, l'œuvre est magnifique.
   
Bernard Sellier