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Les sentiers de la perdition,
     (Road to perdition),     2002, 
 
de : Sam  Mendes, 
 
  avec : Tom Hanks, Paul Newman, Jennifer Jason Leigh, Ciaran Hinds, Jude Law, Stanley Tucci, David Darlow, Dylan Baker, Daniel Craig,
 
Musique : Thomas Newman

   
   
Michael Sullivan (Tom Hanks) mène une vie apparemment tranquille avec sa femme Annie (Jennifer Jason Leigh) et ses deux enfants, Peter (Liam Aiken) et Michael Jr. (Tyler Hoechlin). Pourtant, sa profession n'est pas de tout repos. Il est un des hommes de main du riche John Rooney (Paul Newman). Celui-ci vient de faire exécuter Danny McGovern, et le frère du mort, Finn (Ciaran Hinds) profère des menaces de représailles. Michael est envoyé pour le raisonner, mais le fils de John, Connor (Daniel Craig), qui l'accompagne, exécute Finn sans hésiter. Cet événement ne serait qu'un épisode de plus, dans la vie mouvementée des truands, si Michael Jr. ne s'était caché dans la voiture de son père et n'avait assisté au meurtre. Quelques jours plus tard, Michael se rend compte que John veut se débarrasser de lui. Lorsqu'il rentre à son domicile, il découvre sa femme et Peter assassinés. Il décide de fuir en emmenant son fils... 
 
   Lorsque commence cette histoire, avec cérémonie mortuaire (on décède souvent dans cet univers !) suivie d'une fête, le spectateur a l'impression de se retrouver dans le monde de Martin Scorcese, d'un "Parrain" nouvelle mouture. Mais cela ne dure guère, même si le film de Sam Mendes n'a rien à envier, esthétiquement parlant, aux oeuvres de son prédécesseur. La photo, souvent nocturne, est magnifique. Presque trop, d'ailleurs, car elle donne, à cette tragédie violente, un lissage presque incongru. Le sujet en lui-même est intéressant. Deux pères criminels. Deux fils bien aimés, l'un plus exécrable encore que son géniteur, l'autre transporté brutalement par le destin à la croisée des chemins. Devant lui s'ouvrent deux sentiers : celui qu'avait choisi Michael, l'enfoncement dans la marginalité meurtrière, et celui de la droiture, qui rompt définitivement avec le passé. Le choix de l'auteur, qui aurait d'ailleurs pu se passer d'un surlignage oral, n'a rien de honteux. Ce qui est davantage regrettable, c'est plutôt l'enveloppement général de cette tragédie, qui, malgré des séquences "actives" ponctuellement sanglantes, se maintient dans une sorte de cocon soyeux, retenu, exagérément classique. La composition de Tom Hanks, muré dans une réserve hautaine, dans une souffrance muette, loin des délires frénétiques souvent de mise dans ce type d'intrigue, est à marquer d'une pierre blanche. En revanche, le personnage de John, transparent et presque falot, surprend sans convaincre. L'aspect le plus singulier de l'oeuvre provient en fait d'un personnage secondaire, Harlen Maguire (Jude Law), tueur à gages grimaçant, passionné de photo, immortalisant ses victimes sur papier et, au besoin, achevant le travail si l'exécution n'a pas été menée ctotalement à bien.  
 
   Exception faite de l'instant où bascule l'histoire, lors de la "visite" de Michael chez Tony Calvino (Doug Spinuzza), le spectateur n'est jamais vraiment bousculé, surpris, soulevé. Il suit cette découverte mutuelle père-fils (le premier qui, malgré son amour, ignore tout de ses enfants, et le second précipité dans un monde noir qu'il ne soupçonnait pas), avec intérêt, mais jamais avec passion. Or c'est justement le genre de drame où l'on souhaiterait être emporté, dérangé, submergé. Un résultat en demi-teinte, bien éloigné de la puissance volcanique qui se dégage de la trilogie du "Parrain"...
   
Bernard Sellier