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Seven,
      1995, 
 
de : David  Fincher, 
 
  avec : Morgan Freeman, Brad Pitt, Gwyneth Paltrow, Kevin Spacey, R. Lee Ermey, Peter Crombie,
 
Musique : Jean Sébastien Bach, Howard Shore

   
   
Le détective William Somerset (Morgan Freeman) est à quelques jours de la retraite. Il reçoit un jeune inspecteur David Mills (Brad Pitt) dont il doit parfaire la formation. Justement, la matière se présente, puisque plusieurs crimes aussi étranges qu'horribles sont commis. Rapidement, Somerset soupçonne un lien avec certains écrits mystiques, tels "la Divine Comédie" de Dante, et une concordance directe avec les sept péchés capitaux. Il pressent que le tueur n'en restera pas à ses premiers essais et voudrait laisser l'affaire à quelqu'un d'autre... 
 
   Dans la lignée des films sombres de serial killers, il y a manifestement l'avant et l'après "Seven". Lorsque apparaît une nouvelle séquelle, la référence au film de David Fincher est incontournable. Même si l'importance hypertrophiée que l'on attribue à cette oeuvre peut paraître excessive, il ne fait aucun doute que sa réussite est exceptionnelle. Lorsque l'on visionne ce film en 2004, on a l'impression d'avoir assisté cent fois à l'assemblage de ces deux policiers aux tempéraments opposés ("L'Arme fatale", par exemple), à la description minutieuse des crimes, au piétinement de l'enquête qui s'ensuit, aux fausses pistes... C'est indéniable, mais il est impossible de ne pas reconnaître l'acuité, la personnalité hors du commun de cette réalisation. Aussi bien dans les rapports humains, que dans le choix de la progression dramatique, ou encore dans ce final, stupéfiant, au milieu d'un décor déshumanisé, tendu jusqu'à l'extrême limite accessible.  
 
   Pourquoi cette perfection dans la narration ? Dans l'immense majorité des films de ce type, aussi réussis soient-ils, apparaissent toujours en filigrane le bâti, les coutures, sous la forme d'excès plus ou moins discrets, pas vraiment indispensables, mais destinés à faire frissonner le spectateur, de détails clinquants ou divertissants qui ont pour but de faire baisser la pression ou de l'augmenter artificiellement, de joutes verbales prétendues essentielles pour donner vie à l'antagonisme des partenaires. Bref, tous ces petits à-côtés qui brillent, mais ne sont pas d'or. Ici, rien de tout cela. David Fincher ne craint pas de s'immerger totalement dans le marasme ambiant, dans le malaise intense qui envahit aussi bien les lieux que les personnages. La pluie tombe sans discontinuer (sauf à la fin !), quatre vingt dix pour cent des séquences se déroulent dans une semi-obscurité, seulement traversée de lueurs blanchâtres. Nous sommes en permanence dans l'ombre physique et psychique, dans la concentration absolue sur l'indispensable, le concret, le cœur de chaque situation. Cette ascèse dans l'analyse psychologique donne naissance à un vérisme profondément poignant, qui éclate, par exemple, dans la magnifique scène entre Somerset et Tracy (Gwyneth Paltrow), la jeune épouse de David, rongée par la solitude. Sans parler, évidemment, du dénouement dont l'originalité profonde ne tue aucunement la véhémence. Pas de mouvements de caméra sophistiqués, acrobatiques, comme dans "Panic room". Le drame, rien que le drame, au volcanisme larvé, à la puissance dormante, qui après avoir étalé quelques leurres pourtant horrifiques, dégoupille lentement sa grenade pour l'apocalypse finale.
   
Bernard Sellier