Antoine (Michel Blanc) est un paumé. Au cours d'une soirée, sa maîtresse Monique (Miou Miou) lui reproche violemment sa nullité. Intervient Bob (Gérard Depardieu) qui, après avoir calmé la râleuse d'une gifle, s'infiltre dans la vie du couple et entreprend la conquête d'Antoine...
Noir, sulfureux, grivois, désespéré, morbide, paradoxal, choquant, mysogine, les qualificatifs manquent pour tenter d'approcher l'univers de cette oeuvre, dont "Les Valseuses" était, douze ans plus tôt, un brouillon post soixante-huitard et un peu anarchique. Ici, le spectateur est immédiatement plongé dans un monde glauque et nauséabond qui englue le coeur et la raison. Les personnages sont des marionnettes perdues corps et biens dans un quotidien navrant ou artificiel. Porté par un trio d'acteurs grandiose dans la démesure (si Miou Miou et Gérard Depardieu sont remarquables, Michel Blanc atteint des sommets !), ce film ne peut laisser indifférent. Là est d'ailleurs son but et, probablement aussi sa limite.
En effet si le fond et la forme (surtout verbale) sont en adéquation perfaite dans le sordide, les procédés répétitifs martelés par le réalisateur (enchaînement rapide de gueulantes, de tendresse, d'émotion)(voix de stentor, voix de velours, voix de stentor...) transforment la fresque d'une apparente ingénuité spontanée en un opéra baroque dont l'outrance devient voyante et douteuse.
Une œuvre remarquable parce que dérangeante à tous points de vue, mais dont la sincérité et l'authenticité intérieure sont un peu sujettes à caution.