Un the au Sahara, film de Bernardo Bertolucci, commentaire

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Un thé au Sahara,
    (The sheltering sky),     1990, 
 
de : Bernardo  Bertolucci, 
 
  avec : Debra Winger, John Malkovich, Campbell Scott, Jill Bennett, Timothy Spall, Eric Vu-An, Tom Novembre,
 
Musique : Ryuichi Sakamoto


 
Lire le poème (CinéRime) correspondant : ' Bleu nuit '

 
1947. Port Moresby (John Malkovich) et sa femme Kit (Debra Winger), riches Américains désoeuvrés, arrivent à Tanger, accompagnés du jeune George Tunner (Campbell Scott), qu'ils ont rencontré pendant la traversée. Tous trois s'enfoncent de plus en plus loin dans le désert... 
 
 Voilà le type même du film susceptible de diviser en opinions extrêmes les avis des spectateurs, en fonction de leur état intérieur et de leur perception artistique. Poème métaphysique ou délayage de vide ? Descente dans le désespoir intérieur de l'être ou superficialité habilement déguisée ? Course à l'abîme à travers des tableaux esthétiquement superbes, alternance de tons sépia, de jaunes, de bleus intenses... ou monument d'ennui sur fond de carte postale ? 
 
 Il faut reconnaître que cette oeuvre est emplie de paradoxes. Elle est d'un accès difficile - il ne se passe vraiment pas grand-chose pendant ces deux heures dix ( on a d'ailleurs tout le temps d'admirer la sublime beauté de Debra Winger ! )- , et, pourtant il est quasiment impossible de ne pas éprouver, à la fin de sa vision, une certaine densité. L'étirement du temps dans cet espace immense et désertique tend vers le vide, mais provoque une sorte d'état hypnotique qui s'apparente à une certaine méditation. La communication verbale est réduite à de rachitiques échanges, et cependant on ne peut nier que ces personnages ont une présence quasi obsédante. Tout le drame repose sur l'état psychologique de ce couple étrange, mais aucune clé ne nous est accordée pour participer à cette quête, et ce ne sont pas les quelques phrases en voix off de Paul Bowles, auteur du roman, qui apportent beaucoup d'éclaircissements ! Port, Kit et, bien évidemment leur couple, vont mal. Ils cherchent, en s'enfonçant dans ce désert marocain qui n'est que le symbole de leur désert intérieur, l'oasis qui va permettre le jaillissement d'un germe de renouveau. Port est une sorte de frère du Paul (Marlon Brando) de "Dernier tango à Paris", qui aurait perdu jusqu'à sa seule raison de survivre : la sexualité extrême. Kit est, à la limite, encore plus énigmatique. Elle donne l'impression d'une certaine lucidité, mais cette illusion se dissout dans un final ténébreux et hermétique dont est banni toute parole.  
 
 Difficile tout de même de se sentir profondément concerné par ce drame empli de non-dits, de conjectures, par cette quête qui n'est volontairement pas partagée avec le spectateur, qui lui échappe en grande partie. La grande réussite de Bertolucci est certainement d'avoir su enchâsser cette apparente superficialité extérieure dans un écrin qui parvient à mettre en valeur l'inexistence des êtres.
   
Bernard Sellier