Le dernier tango à Paris, film de Bernardo Bertolucci, commentaire

  Bienvenue sur le site d'un manipulateur de mots, passionné d'écriture, de cinéma, de musique, d'ésotérisme...     

Le dernier tango à Paris,
     (Last tango in Paris),  1972, 
 
de : Bernardo  Bertolucci, 
 
  avec : Marlon Brando, Maria Schneider, Jean-Pierre Léaud, Marie-Hélène Breillat, Catherine Allégret, Massimo Girotti,
 
Musique : Jerry Fielding

 
 
Rosa, la femme de Paul (Marlon Brando), vient de se suicider. Il erre comme une âme en peine dans Paris et rencontre fortuitement Jeanne (Maria Schneider), qui, comme lui, cherche un appartement à louer. Bien que la jeune femme soit fiancée avec Tom (Jean-Pierre Léaud), tous deux se revoient régulièrement pour faire l'amour. 
 
 Bertolucci s'est fréquemment penché sur des personnages déprimés, incapables de trouver leur voie d'épanouissement, leur harmonie intime, dans le monde qui les entoure. C'est le cas de Port Moresby et de sa femme Kit, dans "Un thé au Sahara", qui s'enfoncent dans le désert africain pour tenter d'échapper à leur désert intérieur. C'est aussi, d'une manière un peu différente, la situation de Lucy Harmon, dans "Beauté volée". Et c'est bien évidemment le cas de Paul dans ce film qui, à l'époque, a créé un petit scandale pour la célèbre scène du beurre, pourtant aujourd'hui bien anodine !  
 
 Approche du désespoir, ou de la passion charnelle ? Exploration du désir instinctif ou du rêve exalté ? Autopsie d'une soumission ou d'une initiation à l'état adulte ? Bertolucci, plus encore que dans le futur "Un thé au Sahara", joue ici avec les multiples facettes pathologiques de l'être humain. La richesse thématique est importante, parfois enivrante, mais, revers de la médaille, l'accumulation de ces diversités psychologiques tend parfois vers l'overdose et le factice. Heureusement, cette confrontation de tempéraments attirés par l'extrême est transcendée par deux acteurs exceptionnels. Marlon Brando, bien sûr, auquel ce personnage de paumé qui se voudrait sans mémoire, sans connaissance de l'autre, mais finit par se prendre et se perdre dans le filet qu'il a tissé, convient merveilleusement. Tour à tour violent, perdu dans un monde au-delà du réel, implorant, il est sobre, volcanique, multiple, bouleversant, en un mot, magnifique. La scène qui le voit agenouillé auprès de sa femme morte est inoubliable. Mais, à côté de lui, Maria Schneider est, elle aussi, impériale de présence. Femme-enfant au visage d'ange, elle habite chacune de ses apparitions avec une intensité magnétique. Jean-Pierre Léaud, lui, semble tout droit échappé d'un épisode de la vie d'Antoine Doinel, de François Truffaut. Lunaire extraverti, amoureux surréaliste à la diction si particulière, il offre un pendant à la fois rationnel et onirique à l'errance éperdue de Jeanne.  
 
 Parfois ennuyeux, déroutant, pesant, volontairement provocateur, comme ce sera le cas dans son futur "1900", (la libération des films X ne va pas tarder), iconoclaste, éprouvant, souvent générateur d'une émotion intense jusque dans les silences qui peuplent les rencontres de Paul et de Jeanne, prémonitoire (Tom invente les reality shows en voulant filmer ses amours au jour le jour), l'œuvre est tout cela à la fois, mais, grande qualité, elle ne laisse à aucun moment indifférent, ce qui ne sera pas le cas pour "Beauté volée"...
   
Bernard Sellier