Unorthodox, Saison 1, série de Anna Winger..., commentaire

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Unorthodox,
        Saison 1,       2020 
 
de : Anna  Winger..., 
 
avec : Shira Haas, Amit Rahav, Jeff Wilbush, Alex Reid, Delia Mayer, Ronit Asheri,
 
Musique : Antonio Gambale, Anton Dvorak, Franz Schubert

   
 Ne pas lire avant d'avoir vu la saison

 
Esther (Shira Haas), élevée par sa tante, décide un jour, grâce à l'aide de sa professeure de piano, de quitter Yanki Shapiro (Amit Rahav), le mari qui lui a été imposé par son entourage. Elle arrive à Berlin où réside sa mère, Leah (Alex Reid), mais celle-ci est absente. Esther erre dans la ville et rencontre un groupe de jeunes musiciens qui répètent dans un orchestre de chambre. Elle se lie à eux. Mais Yanki et son cousin Moishe Lefkovitz (Jeff Wilbush) ont été envoyés à sa recherche... 
 
 C'est une plongée irrespirable et traumatisante dans l'univers carcéral d'une communauté enserrée dans les croyances et le rigorisme religieux qui nous est proposée ici. Arc-boutés sur des croyances ancestrales véhiculées par les rabbins, hommes, femmes et enfants occupent un espace minimaliste, adapté à chacun, d'où toute sortie est rigoureusement interdite. La jeune Esther, tout comme les représentantes féminines de la société, subit donc depuis son enfance cette entreprise de dessèchement du coeur qui est la "Loi" divine soigneusement transmise et appliquée par les hommes, et, ce qui est pire encore, par les femmes adultes. La scène de la "transmission" de ce que doit savoir une jeune fille avant de se marier est, à ce titre, consternante pour qui vit au vingt-et-unième siècle. Une preuve supplémentaire, s'il en était besoin, que le meilleur moyen d'asservir un être ou un peuple, est de le maintenir dans l'ignorance. On n'en finirait pas de détailler toutes les interdictions auxquelles sont soumis les pratiquants, avec, à la clé, quelques scènes qui seraient hilarantes si elles relevaient seulement de l'imagination (par exemple, celle où Yanki découvre que son cousin Moishe possède un smartphone et peut donc regarder tout ce qu'il veut sur l'écran...). 
 
 En précipitant Esther corps et âme dans ce qui constitue la plus redoutable des sectes, il aurait été facile au récit de l'ériger en victime absolue d'un machisme outrancier et de se laisser envahir par un manichéisme primaire. Mais très subtilement, la narration échappe à cet écueil. Bien loin d'être un monstre, Yanki, lui aussi prisonnier de sa mère, de la religion, de ses croyances, se laisse gagner par l'amour et subit une métamorphose qui vrille le coeur. C'est presque un miracle d'entrer dans cette découverte de la vie sans contraintes, sans brides, de découvrir cet univers sclérosé, anachronique, à l'intérieur duquel les notions de libertés intérieures ou extérieurs, d'intimité, de respect de soi, de plaisir, de joie, sont des concepts totalement inconnus, sans que jamais une condamnation ne se fasse jour. Les coutumes, les faits, les personnalités sont observées, jamais jugés. 
 
 Si l'on ne s'en tenait qu'à ce qui vient d'être dit, la réussite serait déjà à marquer d'une pierre blanche. Mais il y a aussi Shira Haas. Une actrice inconnue qui n'incarne pas le personnage d'Esther. Elle le respire, elle le transpire, elle EST cette jeune fille déboussolée qui cherche à capter les bouffées d'air pur susceptibles de la sauver d'une asphyxie programmée. Chacune de ses inspirations, chaque battement de ses cils, chaque crispation de son visage, chacun de ses regards, génèrent un flot d'émotions dont la justesse n'a d'égale que la subtilité. Elle parvient, durant plus de trois heures, à offrir au spectateur une palette infinie de sentiments : l'innocence, le doute, la souffrance, la colère, la peur, la honte, quelques éclairs de joie aussi parfois, qui nous rappellent, tout en les dépassant largement, les expressions inoubliables de détresse qui ravageaient en silence le visage de la sublime Rachel Ward lors du dénouement du film de Taylor Hackford : "Contre toute attente". Et c'est simplement bouleversant...
   
Bernard Sellier