1899, Saison 1, de Baran bo Odar, commentaire

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1899,
    Saison 1,      2022 
 
de : Baran  bo Odar, 
 
avec : Emily Beecham, Aneurin Barnard, Andreas Pietschmann, Miguel Bernardeau, Rosalie Craig, José Pimentão,
 
Musique : Ben Frost, Jefferson Airplane


 
Saison 2

 
Ne pas lire avant d'avoir vu la série

 
Le paquebot Prometheus, avec à bord plus de 1400 passagers, a disparu depuis quatre mois. Un bateau de la même compagnie entreprend la traversée entre l'Europe et New-York. Maura Franklin (Emily Beecham), médecin spécialiste du cerveau, est à bord après avoir reçu une lettre mystérieuse. Il en est de même pour le capitaine du navire, Eyk Larsen (Andreas Pietschmann). Plusieurs autres voyageurs semblent cacher de lourds secrets, tels le père Ramiro (José Pimentão) et son prétendu frère Ángel (Miguel Bernardeau). Un message donnant une position en mer est réceptionnée un jour. Le capitaine suppose qu'il provient du Prometheus et décide de se dérouter, malgré l'opposition de son second...
 
 Le créateur du réussi «Dark» replonge ici dans un sujet qui paraît lui tenir à cœur, à savoir celui des disparitions, avec la différence que nous ne sommes plus sur terre, mais au milieu des océans. Après une courte première scène emplie de mystère, le spectateur est emporté dans une ouverture traditionnelle, avec la présentation, parfois un peu maladroite, des principaux protagonistes et de leur situation (pas un mouvement de tangage ou de roulis en pleine mer, c'est tout de même étonnant, même sur un gros paquebot !). Mais dès que s'amorce le mystère de ce navire fantôme, il est facile d'oublier ces quelques faiblesses ainsi qu'un doublage parfois hasardeux de certains personnages (l'acteur belge, Jonas Bloquet, qui incarne Lucien et qui n'est apparemment pas doublé, n'articule pas et se montre de ce fait souvent peu compréhensible). Très vite, nous comprenons que l'histoire est très proche de la célèbre experience du «Philadelphia experiment», plusieurs fois prise comme thématique dans les films, comme c'est le cas en particulier du passionnant «Nimitz, retour vers l'enfer». Mais, au fur et à mesure que l'intrigue se développe, et en particulier à partir des épisodes 5 et 6, nous entrons dans une suite de dédales spatio-temporels qui feraient passer sans peine l'expérience de Philadelphie pour un exercice d'élèves de CM2 pas très doués. Nous assistons à un véritable délire dans lequel la raison est incapable de s'accrocher à un quelconque repère. Cette avalanche de sauts dans l'espace et dans le temps pourrait apparaître artificielle tant ces bonds sont soudains et se multiplient à l'infini, mais heureusement ils sont intégrés de façon efficace et émotionnellement crédible dans une suite de drames intimes qui parviennent de temps en temps à insuffler une humanité touchante à cette histoire démentielle. Malheureusement, beaucoup de personnages laissent le spectateur sur sa faim car ils manquent cruellement de chair et de matière susceptible d'accrocher le spectateur à leurs destins. 

 Au final, cette série qui apparemment n'a pas été reconduite pour une seconde saison, se révèle davantage une brillante excitation de l'intellect, intentionnellement troublé par une ribambelle de perturbations perceptives dans lesquelles se débat un microcosme humain utilitaire, qu'une aventure profondément humaine confrontée à des situations paranormales exceptionnelles. Le scénariste réalisateur s'est visiblement éclaté (on peut se demander comment les monteurs s'y sont retrouvés dans cette kyrielle d'entrées et de sorties dans une foultitude d'univers), mais a manifestement décidé de privilégier les effets spectaculaires et déstabilisateurs au détriment d'une analyse poussée des personnages insérés dans le drame. C'est un peu regrettable, mais reconnaissons que toute cette aventure improbable, à laquelle il serait vain de trouver une quelconque logique, est cependant aussi inventive que captivante, d'autant plus qu'elle visite de façon plus que déroutante les notions de conscience, de réalité, de mémoire ou encore de virtualité.
   
Bernard Sellier