Dark, saison 1, série de Baran bo Odar, commentaire

  Bienvenue sur le site d'un manipulateur de mots, passionné d'écriture, de cinéma, de musique, d'ésotérisme...     

Dark,
     Saison 1,     2017 
 
de : Baran bo  Odar..., 
 
avec : Louis Hofmann, Karoline Eichhorn, Lisa Vicari, Stephan Kampwirth, Jördis Triebel,
 
Musique : Ben Frost

   
 
Il s'en passe de drôles de choses dans la petite ville allemande de Winden. Le jeune Erik Obendorf a disparu depuis plusieurs semaines, lorsqu'un second garçonnet, Mikkel Nielsen (Daan Lennard Liebrenz) se volatilise lui aussi. Il se trouve que 33 ans auparavant, l'oncle de l'enfant, Mads, avait lui aussi disparu. Ulrich Nielsen (Oliver Masucci), père de Mikkel et frère de Mads, entreprend des recherches dans les souterrains proches de la centrale nucléaire...

 Il ne s'agit là que d'un infime aperçu de cette aventure tentaculaire qui ne se laisse pas facilement appréhender. Si l'on succombe au plus petit déficit d'attention, il est facile de se perdre dans les deux ou trois premiers épisodes. Il est évident que leur assimilation demande un maximum de concentration si l'on veut retrouver son chemin au milieu des relations complexes qui lient les nombreux protagonistes. D'autant plus que, pour complexifier encore un peu plus une intrigue déjà enchevêtrée, des aberrations temporelles transportent le spectateur trois décennies plus tôt (1986), avec les mêmes personnages à l'état juvénile, additionnés de leurs parents qui, eux aussi, interviennent dans les évènements présents et futurs. Vous avez pigé ? Les créateurs ont dû être conscients du problème puisque, à plusieurs reprises, ils placent côte à côte, en écrans juxtaposés, les visages d'hier et d'aujourd'hui, histoire de ne pas perdre trop de spectateurs en route.

 Cela dit, si on franchit le cap, cette série promet beaucoup, à l'image d'un «Lost» germanisé et modernisé. Il y a des enlèvements mystérieux, des individus troubles, des secrets enfouis, des dangers inconnus, des failles temporelles perturbatrices, une atmosphère glauque à souhait dont l'efficacité dramatique est incontestable... Bref tous les ingrédients susceptibles de donner naissance à une création captivante. Ce qui est assez exceptionnel, c'est que, malgré le foisonnement des évènements, qui pourrait avoir pour conséquence de casser la dramaturgie générale en multipliant le nombre de coïncidences et d'interactions complexes, l'ensemble conserve une tension et un niveau d'angoisse qui paraissent ne jamais devoir faiblir.

 Mais survient tout de même un problème. Lorsque dans l'épisode 8, le récit choisit de remonter encore de 33 ans et de réinstaller ses personnages dans une nouvelle strate temporelle (1953), on se dit que trop c'est trop. J'ignore à quoi se sont shootés les scénaristes, mais il est quasiment impossible de s'y retrouver dans cette myriade de télescopages d'individus qui n'en finissent pas de sauter d'une période à une autre, quelquefois même sous des noms d'emprunt ! Et le pompon est atteint dans la dernière scène qui nous transporte, elle, en 2052 ! Là, on se dit que le syndrome de «Lost» semble atteindre le récit : à savoir une accumulation du «toujours plus étrange», qui promet au spectateur un enfoncement dans une suite infinie d'abîmes sans fond de plus en plus énigmatiques, gorgés de mystères et de synchronicités ad aeternam, pour, au bout du compte, accoucher (peut-être ?) d'une souris.

 Je serais curieux de savoir si un spectateur sur mille est parvenu à avoir une vision, ne serait-ce que très partielle, du tableau provisoire qui est dessiné dans cette première saison. Alors, bien que l'envie soit présente de découvrir ce que la saison 2 propose comme suite à cette histoire abracadrantesque,  elle se passera de moi. Peut-être est-il indispensable de posséder un cerveau neuf pour appréhender les subtilités d'un scénario complexifié à l'extrême.

 Une série profondément inspirée, d'une richesse insondable, d'une inventivité permanente, dotée de thématiques captivantes (la notion du temps, les «trous de ver», les interactions entre présent, passé et futur, les responsbilités karmiques, les dangers du nucléaire...), mais hélas handicapée (pour certains spectateurs) par un enchevêtrement narratif tellement sibyllin qu'il vient à bout des bonnes volontés les plus ouvertes.
   
Bernard Sellier