36 Quai des Orfèvres, film de Olivier Marchal, commentaire

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36, quai des orfèvres,
        2004, 
 
de : Olivier  Marchal, 
 
  avec : Daniel Auteuil, Gérard Depardieu, Valéria Golino, André Dussollier, Mylène Demongeot, Roschdy Zem, Daniel Duval,
 
Musique : Axelle Renoir, Erwann Kermorvant

 
 
Tandis que Léo Vrinks (Daniel Auteuil), responsable de la BRI (Brigade de recherche & d'intervention), fête avec ses hommes, de manière agitée, la mutation de son collègue et ami, Eddy Valence (Daniel Duval), un gang attaque, pour la septième fois, un fourgon de transports de fonds. Le Directeur Général, Robert Mancini (André Dussollier), qui doit prendre sa retraite prochainement, et compte voir Léo lui succéder, donne à ce dernier la responsabilité de l'anéantissement rapide des truands. Cela ne réjouit guère Denis Klein (Gérard Depardieu), chef de la BRB (Brigade de répression du banditisme), qui se voit, sur ce coup-là, relégué en seconde ligne. La planque des braqueurs est localisée. N'obéissant pas à un ordre de Vrinks, Denis agit seul et provoque, indirectement, la mort d'Eddy. Léo, furieux, témoigne contre lui lors de la commission d'enquête... 
 
  Le temps a bien changé depuis 1947, où Louis Jouvet, dans la peau de l'inspecteur Antoine, brillait dans le "Quai des orfèvres" de H. Georges Clouzot. Plus récemment, la rivalité entre différentes composantes de la police a donné lieu, en 1979, à un intéressant face à face entre Claude Rich et Claude Brasseur, dans «La guerre des polices» de Robin Davis. 
 
 Réalisé par un ancien membre des brigades antiterroristes, ce film reflète sans doute, avec fidélité, l'aspect technique des opérations, ainsi que les dissensions et jalousies internes qui gangrènent la police. L'intrigue de base (la série des braquages et l'élimination du gang) se voit d'ailleurs assez vite rangée sur une voie de garage, pour ne plus figurer qu'en filigrane jusqu'à la scène finale. C'est alors le drame inter-humain qui prend le relais, zébré de passages courts, jamais gratuits, où la violence externe se déchaîne. Les relations difficiles entre un Léo Vrinks, dont on devine la passion contenue, le bouillonnement intérieur, et un Denis Klein, rongé par une rancœur complexe, qui tient de la momie vindicative, ne laisse pas indifférent, mais paraissent tout de même étrangement lointaines, presque abstraites. Peut-être parce que l'on ignore tout de ces deux ennemis intimes, qui nous sont présentés, dans l'instant présent, comme vierges de passé. On les voit (sur)vivre, agir de diverses façons, se jalouser dans l'ombre. Mais c'est bien rarement qu'ils existent en tant qu'êtres proches, dont on aimerait partager les doutes, les erreurs, les souffrances. Peut-être aussi ce voile qui les enveloppe naît-il du fait que les deux "monstres" acteurs phagocytent les personnages, dont l'intensité existentielle n'est pas suffisamment exaltée, empêchant leur trop faible caractérisation de nous émouvoir profondément. Les événements, tout comme les actions des protagonistes, sont livrés sans fioritures, de manière brute, assez froide, et ce dépouillement extrême, s'il a le mérite de ne pas tomber dans le larmoyant, ne facilite pas non plus l'implication affective du spectateur dans la tragédie vécue. C'est d'autant plus regrettable, que le film se veut au moins autant une œuvre psychologique qu'un récit policier. 
 
 L'ensemble est intéressant, présente un équilibre judicieux entre action extérieure et antagonismes intérieurs, a le mérite de nous faire pénétrer dans les coulisses mystérieuses de cette soi-disant "grande famille", pourtant il est bien difficile d'arriver à oublier que nous sommes dans un scénario habile, joué excellemment par des acteurs célèbres. Grâce aux noms de l'affiche, le film aura sans doute une belle carrière. Il me semble cependant que, dans l'absolu, c'est le genre d'œuvre qui (à l'instar de "L.627" de Bertrand Tavernier), aurait gagné, qualitativement, à être portée par des interprètes moins connus. 
 
 À noter aussi que la musique, omniprésente, et, intrinsèquement agréable, se montre, dans nombre de séquences, aussi inutile qu'usante.

   
Bernard Sellier