L'autre côté, La valla, saison 1, série de Daniel Écija, commentaire

  Bienvenue sur le site d'un manipulateur de mots, passionné d'écriture, de cinéma, de musique, d'ésotérisme...     

L'autre côté,
    (La valla),    Saison 1,     2020,  
 
de : Daniel  Écija..., 
 
  avec : Unax Ugalde, Olivia Molina, Eleonora Wexler, Abel Folk, Ángela Molina, Manu Fullola, 
 
Musique :   Daniel Sánchez de la Hera


 
Ne pas lire avant d'avoir vu la série

 
Dans un futur assez proche (2040 environ), la troisième guerre mondiale a eu lieu, accompagnée de pandémies. Lorsqu'elle est terminée, l'Espagne est exsangue. L'eau manque et la population est sous la coupe d'un régime dictatorial. Hugo (Unax Ugalde) arrive à Madrid avec son frère Alex (Daniel Ibáñez) et sa petite fille Marta (Laura Quirós). Sa femme, Sara, est décédée du virus. Tous trois arrivent chez la mère de Sara, Emilia Noval (Ángela Molina), qui vit avec sa seconde fille, Julia (Olivia Molina). Mais Hugo n'ayant pas de travail, Marta lui est enlevée. Elle est emmenée dans un centre pour enfants très spécial...

 S'il y a des séries qui débutent lentement, c'est loin d'être le cas ici. Le premier épisode est gorgé d'une dramaturgie qui ne laisse à aucun moment le spectateur reprendre son souffle. L'histoire nous plonge d'emblée dans une dystopie qui transpose l'univers nazi au vingt-et-unième siècle. Nous retrouvons une situation qui rappelle celle de «Colony», avec ses secteurs non communicants, ses populations réduites en esclavage et ses élites dictatoriales vivant dans une zone hautement sécurisée. L'association guerre + infections virales + prétendu terrorisme, a conduit le pays dans une escalade de sécuritarisme effrénée, et l'on ne peut qu'être hypersensible à cette situation qui n'est malheureusement pas si invraisemblable qu'on peut le penser au premier abord.

 Les personnalités sont dessinées avec une précision chirurgicale qui n'exclut pas la sensibilité. Nous parlons bien sûr ici de celles qui entourent Hugo et Julia. Car, dans l'autre bord, celui des forces noires, la caricature n'est pas loin. Qu'il s'agisse du commandant Enrique Jimenez (Manu Follola), de son second Navarro, d'Alma López-Durán (Eleonora Wexler), initiatrice des essais cliniques sur enfants, de Rosa (Elena Seijo), la majordome à poigne, ou encore de Begoña Sánchez (Ángela Vega), la vicieuse collaboratrice de service, tous sont catégorisés à l'extrême dans le compartiment «pourritures» (presque) intégrales. Il faut dire que, chez nos voisins espagnols, le souvenir des années sombrissimes de Franco fait certainement partie des cauchemars de l'inconscient collectif.

 La frénésie du premier épisode ne fait qu'enfler au fur et à mesure que l'histoire déroule son horrifique trame. Si l'on excepte le tout récent «Dark» visionné, nous n'avons pas le souvenir d'avoir assisté à une telle avalanche de rebondissments successifs. Mais contrairement la série précitée, qui sombrait dans une complexité à la limite du compréhensible, tout est ici d'une limpidité narrative totale. Certains esprits critiques reprocheront peut-être à ce récit une artificialité globale due à son choix de condenser le maximum d'éléments bouleversants, de rebondissements  déchirants, dans le plus court laps de temps possible. Mais est-il envisageable de nier son efficacité dramatique et de se montrer insensible à cette plongée traumatisante dans les rapts d'enfants effectués par des gouvernements totalitaires, ce qui a été, hélas, monnaie courante en Espagne, au Chili ou en Argentine, il n'y a pas si longtemps ? Surtout lorsque la trame dramatique est à ce point tendue et les personnalités qui l'habitent aussi touchantes ? Avec, en pivot quasi central du drame, un Luis Covarrubias (Abel Folk) intense et charismatique.

 Certes la vraisemblance bat parfois de l'aile, surtout dans les deux derniers épisodes, mais existe-t-il beaucoup de séries de (science) fiction qui la respectent ne serait-ce qu'à soixante-dix pour cent ? Et la vision fantômatique de ces bambins vêtus de blanc, entonnant une chanson patriotique sous l'oeil sadiquement patelin de la directrice du centre, fait partie de ces images qui s'impriment durablement dans une mémoire de cinéphile.

 Une sacrée claque que cette série percutante, souvent poignante, dont on espère simplement qu'elle ne sera pas le reflet prémonitoire de ce que nous vivrons dans l'après Covid 19...
   
Bernard Sellier