Les Autres, film de Alejandro Amenábar, commentaire

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Les autres,
        (The others),        2001, 
 
de : Alejandro  Amenábar, 
 
  avec : Nicole Kidman, Fionnula Flanagan, Christopher Eccleston, Alakina Mann, James Bentley,  
 
Musique : Alejandro Amenábar, Frédéric Chopin

  
 
Grace Stewart (Nicole Kidman) vit avec ses deux enfants, Nicholas (James Bentley) et Anne (Alakina Mann) dans une grande bâtisse située sur l'île de Jersey. Nous sommes en 1945. Le mari de Grace est parti à la guerre dix-huit mois plus tôt, mais n'a donné aucune signe de vie depuis la fin du conflit. Trois serviteurs viennent offrir leur aide : Bertha Mills (Fionnula Flanagan), Edmund Tuttle (Eric Sykes) et une jeune fille muette, Lydia (Elaine Cassidy). Grace les engage, leurs prédécesseurs ayant quitté les lieux brusquement, sans avertir, une semaine plus tôt. Elle donne les recommandations strictes à ses nouveaux employés : ses deux enfants souffrant d'une allergie gravissime à la lumière, la totalité des pièces où ils entrent doit voir ses rideaux tirés et toute porte ne peut être ouverte que si la précédente a été soigneusement fermée. La petite Anne prétend voir des personnes étrangères se déplacer dans le château et, bientôt, Grace elle-même doit se rendre à l'évidence : des intrus sont présents à l'intérieur des murs... 
 
 Étrange comme une seconde vision peut parfois métamorphoser le ressenti que la première avait laissé ! Lors de sa sortie, ce film ne m'avait pas laissé un souvenir particulièrement impressionnant. Quatre ans plus tard, l'impression est toute autre. Plus encore que dans le remarquable "Sixième sens" de Shyamalan, il est bien sûr difficile de s'étendre beaucoup sur l'oeuvre afin de sauvegarder le suspense jusqu'à l'"apocalypse" finale, pourrait-on dire ! Ce qui est indéniable, c'est que la narration est conduite de main de maître par le réalisateur. Dans une atmosphère étouffante, profondément anxiogène, dans un décor d'interminables salles sans vie, privées de lumière, qui ne sont pas sans évoquer le Manderley que découvre la jeune mariée du "Rébecca" d'Hitchcock, évolue un petit nombre de personnages étranges : une Grace Stewart, incarnée magistralement par Nicole Kidman, obsédée par la Bible, tour à tour terrifiante et tendre, qui, dans certains plans, ressemble étrangement à Grace Kelly ; une intendante, sorte de Madame Danvers bienveillante, qui semble personnifier la tendresse, puis se révèle à son tour sinistre et rouée ; une jeune muette ; un vieil homme trop révérencieux pour être honnête ; deux enfants perdus dans une survie crépusculaire qui transforme un toit douillet en prison permanente ; des bruits et des éclairs de fureur qui transpercent brusquement un océan de douceur feutrée ; des visions qui ne sont jamais imposées, mais génialement suggérées ; une manipulation redoutablement habile du spectateur ; une avancée scénaristique à pas feutrés, à travers un brouillard aussi dense que celui dans lequel baigne le château... Tout est construit avec une intelligence de premier ordre, une efficacité angoissante qui n'exclut jamais la sobriété et la subtilité. C'est incontestablement du très grand art.  
 
 Une approche du fantomatique, originale sans être le moins du monde alambiqué, effrayante sans sacrifier un atome de dépouillement, d'une classe et d'une élégance constantes. Génial !
   
Bernard Sellier