Backdraft, film de Ron Howard, commentaire

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Backdraft,
         1991, 
 
de : Ron  Howard, 
 
  avec :  Robert de Niro, Scott Glenn, Kurt Russell, Donald Sutherland, William Baldwin, Jennifer Jason Leigh, Rebecca de Mornay, J.T. Walsh,
 
Musique : Hans Zimmer



 
1972, Chicago. Au cours d'un banal incendie, le pompier Dennis McCaffrey (Kurt Russell) décède. Il laisse orphelins deux fils, Stephen, l'aîné, et Brian. Vingt ans ont passé. Stephen (Kurt Russell) a pris la suite de son père et se montre aussi téméraire que renfermé. Il s'est séparé de sa femme, Hélen (Rebecca de Mornay), et vit dans le vieux rafiot de son père. Quant à Brian (William Baldwin), disparu depuis plusieurs années, il réapparaît, ayant été reçu à l'examen d'entrée dans le corps des pompiers de Chicago. La tension entre eux est grande. Tandis que le conseiller Marty Swayzak (J.T. Walsh) prépare sa campagne en vue de conquérir la mairie, plusieurs morts suspectes, apparemment dues à des débuts d'incendie, se produisent. Donald Rimgale (Robert de Niro), surnommé "Shadow", mène une enquête difficile... 
 
 Autant le cinéma d'action est abreuvé de tueurs en série, dynamiteurs ("Blown away"), dépeceurs en tous genres, autant il est rare que le milieu des "soldats du feu" soit pris pour cadre dramatique d'un thriller. Sur ce plan, on ne peut que s'enthousiasmer pour cette intrigue qui n'est pas d'une furieuse originalité, mais explore un monde fort mal connu, réserve d'efficaces montées d'adrénaline, et ne cède pas à un simplisme que l'on pouvait redouter de prime abord.  
 
 Après une mise en bouche des plus classiques : mort violente, séparation, retrouvailles des deux frères, rancœurs non digérées, agressivité inéluctable, et première intervention d'un élément mystérieux, on se dit que, les contours extérieurs étant établis, la trame psychologique superficielle va céder la place à une classique chasse à l'homme, meublée des habituelles séquences spectaculaires qui sont la marque de fabrique de tout thriller qui se respecte. Ce n'est pas tout à fait vrai, même si le suspense tient ses promesses. Ron Howard, loin de faire passer au second plan les comportements de ses protagonistes, approfondit au contraire leurs caractéristiques propres, n'abandonne jamais l'aspect humain des agissements, et parvient à conserver jusqu'à la fin une crédibilité d'excellente tenue dans les relations entre cette kyrielle de vedettes qui n'écrasent pas l'œuvre de leur aura mythique. On peut même noter que Scott Glenn et surtout Robert de Niro, très sobre, sont presque sous-employés. Tout au moins ont-ils le bon goût de s'effacer devant leurs rôles secondaires. Le face à face des deux frères, à l'évolution certes prévisible, tient ses promesses et ne sombre pas dans la facilité stylistique. Stephen est, de prime abord, une brute épaisse. Face à lui, Brian figure le bon garçon, désireux de se mesurer à ce grand frère doté d'une personnalité écrasante. Les relations ne se résument pourtant pas à cet antagonisme basique. Au fur et à mesure des événements, les pulsions inconscientes se font jour. Combats incessants au fond des inconscients : chez Stephen, entre mépris et amour ; chez Brian, entre lâcheté et persévérance.  
 
 Mais ce qui fait le prix de ce film, c'est évidemment son personnage majeur : à savoir le feu. Si le spectaculaire est présent de façon percutante et continue, l'accent est mis de manière intelligente sur l'aspect quasiment humain de cet élément destructeur, ou, plus exactement, transformateur. Il est, à l'instar d'un serial killer, l'ennemi vivant, rusé, machiavélique, vicieux, presque intelligent. Avec le rôle de Ronald Bartel, meurtrier pervers, Donald Sutherland nous donne l'impression de pénétrer à l'intérieur d'un "Silence des agneaux" bis, où le sinistre "couturier" "Buffalo Bill" serait remplacé par un homologue pyromane. En fait, si Rimgale, par sa fonction d'enquêteur, est à la recherche de ce monstre humain, Stephen, lui, est davantage en lutte contre le feu lui-même, qui est la manifestation extérieure, ardente et provocatrice, de ses démons intérieurs et de sa détresse intense. 
 
 Une histoire fascinante et passionnante de bout en bout.
   
Bernard Sellier