L'agent Clarice Starling (Jodie Foster) poursuit des études de psychologie et de criminologie au sein du FBI. Jack Crawford (Scott Glenn), son chef direct, lui demande un jour d'interroger Hannibal Lecter (Anthony Hopkins), ancien psychiatre enfermé depuis huit ans dans un quartier de haute sécurité, pour cannibalisme. Ce regain d'intérêt pour le prisonnier cache en fait un but précis : Crawford espère que Clarice obtiendra des informations sur un nouveau tueur en série, "Buffalo Bill", qui a déjà fait plusieurs victimes et vient probablement d'enlever une jeune fille, Catherine Martin (Brooke Smith), fille d'une femme sénateur. Lecter accepte la présence de Clarice, mais commence un jeu dont elle maîtrise mal la conduite...
Première grande œuvre ("Le sixième sens" de Michael Mann, sorti en 1986 n'avait pas eu le même impact public), qui marquera profondément les esprits et donnera naissance à une kyrielle de suites ou d'imitations, parfois plus envoûtantes encore, comme le génial "Seven" de David Fincher. Le film de Jonathan Demme est de facture classique : ouverture, enquête, suspense, dénouement. Mais dans chacun de ces passages obligés du genre, il introduit sa patte et maîtrise avec art la conduite de chaque plan. Aucun excès, que ce soit dans l'horreur ou dans l'angoisse, aucune fioriture, mais une narration brute, centrée sur le "mal" absolu qu'incarne, avec un charisme aussi inquiétant que sobre, un Anthony Hopkins magistral. Son jeu de félin face à la jeune et (apparemment) fragile Clarice est délectable. Dans son visage au masque quasiment impassible, bouillonnent la fourberie, un désir intense et souterrain de prédation, la sauvagerie du fauve, ainsi qu'une étrange notion de respect pour certains êtres. Le regard, à la fois hautain, pétrifiant et incendiaire, glace le sang tout autant que la vision des atrocités commises par "Buffalo Bill". La suggestion, habilement conduite et contrôlée, peut égaler sinon dépasser l'image crue.
Jeu passionnant de cache cache psychologique entre deux personnages a priori inégaux, le film n'en oublie pas pour autant le suspense et la conduite dramatique du récit. Ce qui nous vaut deux grands moments, particulièrement intenses grâce encore à la mise en scène habile qui joue savamment des révélations partielles et de la confusion des lieux : la séquence du transfert d'Hannibal Lecter à Memphis et le dénouement. Celui-ci peut paraître quelque peu surprenant, mais il s'inscrit finalement dans une logique du tueur acceptable.
La seule réserve qu'il serait, à la rigueur, possible d'émettre réside dans la "clarté" excessive du récit. Tous les éléments sont parfaitement intégrés, le scénario est gouverné avec intelligence, la conduite du drame est habile, le sens du mystère est aigu, et pourtant, il manque peut-être à cet ensemble délectable une obscurité, une opacité qui lisseraient la rigueur des plans et constitueraient la correspondance artistique et visuelle de la nébulosité psychique d'Hannibal. Cela dit, il est impossible de ne pas être ensorcelé par cette oeuvre et par la composition de Jodie Foster, admirable de beauté, d'intensité intérieure et de fausse vulnérabilité.