Beauté volée, film de Bernardo Bertolucci, commentaire

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Beauté volée,
      (Stealing beauty),      1995, 
 
de : Bernardo  Bertolucci, 
 
  avec : Liv Tyler, Jeremy Irons, Sinead Cusack, Jean Marais, Donal McCann, Stefania Sandrelli, D.W. Moffett, Carlo Cecchi,
 
Musique : Richard Hartley


 
Lucie (Liv Tyler), 19 ans, dont la mère Sarah est morte, arrive en Toscane, dans une grande propriété où elle était venue quatre ans plus tôt. Elle y retrouve Ian (Donal McCann), qui souhaite faire son portrait, Diana (Sinead Cusack ), Miranda (Rachel Weisz ) et son conjoint Richard Reed (D.W. Moffett ), Guillaume (Jean Marais), un vieux marchand d'art solitaire, Alex Parri (Jeremy Irons), écrivain au bord de la mort. Puis arrive Niccolo Donati ( Roberto Zibetti), dont elle se sentait jadis très proche. Elle fait aussi la connaissance de Carlo Lisca (Carlo Cecchi ), dont sa mère recevait des lettres. Elle paraît être à la poursuite d'un mystère... 
 
 Il y a effectivement un mystère dans cette oeuvre, mais ce n'est pas vraiment celui qu'on croit. Bertolucci a souvent été attiré par la souffrance qui naît d'une détresse intérieure profonde. C'était le cas du personnage incarné par Marlon Brando dans "Dernier tango à Paris". C'était aussi celui de Port et Kit Moresby, dans "Un thé au Sahara". Tous ces êtres déboussolés cherchaient un échappatoire à leur désespérance, soit dans une sexualité autiste, soit dans une errance pathologique. Mais, dans l'un et l'autre cas, si l'attention décrochait parfois devant la béance existentielle dont aucune clé ne nous était fournie, le spectateur parvenait tout de même à entrer un tant soit peu dans le drame et la quête de ces individus.  
 
 Ici, c'est quasiment le néant absolu. Durant le premier tiers, apparaissent sans discontinuer de nouveaux personnages, qui s'embrassent, semblent heureux de se retrouver, mais dont on ne perçoit nullement l'intérêt (qu'est-ce que vient faire Jean Marais, là-dedans ? Un petit numéro de vieux bougon déjanté...). Tous parlent, se promènent, s'agitent, sans que l'ombre d'une direction pointe le museau. On se dit que, forcément, un moment viendra où les petits bouts du puzzle se mettront en place, donneront naissance à un tableau signifiant. Même pas. Au bout de cent minutes, on désespère, et on ne peut que se faire une raison : Bertolucci n'a pas l'intention d'arriver quelque part. Toute cette panoplie de personnages qui virevoltent autour de Lucie ne génèrera jamais autre chose qu'une ronde plate et sans aucune saveur. Le mystère qu'apparemment vient résoudre la jeune fille n'est qu'une baudruche qui s'évapore sans même avoir gonflé. Au sein de ce néant, certes agréable à regarder (les paysages de Toscane sont magnifiques), seul Alex Parri émerge. Il est au bord de la mort, et semble pourtant le seul véritable vivant. Tous les autres (à l'exception peut-être de Ian), sont d'une banalité déconcertante. La faute ne leur en incombe aucunement. Le responsable est le scénario, beaucoup trop lisse pour provoquer chez le spectateur un début d'émotion vraie. Et ce n'est pas le vague érotisme mondain nimbant l'ensemble, qui peut sauver d'un ennui omniprésent...
   
Bernard Sellier