Chambre 212, film de Christophe Honoré, commentaire

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Chambre 212,
       2019, 
 
de : Christophe  Honoré, 
 
  avec : Chiara Mastroianni, Benjamin Biolay, Vincent Lacoste, Camille Cottin, Carole Bouquet, Harrison Arevalo,
 
Musique : Charles Aznavour, Jean Ferrat...


 
Ne pas lire avant d'avoir vu le film...

 
Maria Mortemart (Chiara Mastroianni) vit depuis plusieurs années avec Richard Warrimer (Benjamin Biolay). Le jour où il découvre qu'elle a une liaison avec le jeune Asdrubal Electorat (Harrison Arevalo), elle décide de partir pour échapper à ses reproches. Mais elle s'installe dans une chambre d'hôtel située juste en face de son appartement, et observe... 
 
 Les sujets de la crise sentimentale de la quarantaine et de l'adultère sont classiques et simplissimes, mais la méthode d'analyse que leur applique le réalisateur l'est infiniment moins. Elle allie intelligence, finesse et originalité. Son principe est de faire intervenir comme témoins et remèdes éventuels, les personnalités à des âges différents. Comme si le spectateur se trouvait dans une oeuvre qui fait se télescoper différents univers artistiques : 
 
 Celui de "Fringe" pour la coexistence temporelle des mêmes protagonistes vivant différentes expériences simultanément. 
 
 Celui du concept "théâtral" d'Alejandro Jodorowsky, qui consistait à faire monter sur scène des personnes présentes pour construire une simili pièce instantanée sur un sujet psychologique donné. Il donnait à chacun son rôle : tu es le père, tu es la femme, tu es l'amant, tu es le grand-père... Et il orchestrait une sarabande "psychomagique" entre tous ces intervenants pour décortiquer le mécanisme de la pathologie choisie ce soir-là. C'était extraordinaire. Et la construction du film de Christophe Honoré fait grandement penser à cela. 
 
 Celui de "Scènes de la vie conjugale" d'Ingmar Bergman, pour l'introspection des âmes, des pulsions, des refoulements... Il est d'ailleurs amusant de noter qu'à la fin du film, alors que se déroulait le générique, la référence à Bergman m'est venue à l'esprit à l'instant où s'affichaient sur l'écran le remerciement du réalisateur à... Ingmar Bergman ! Etrange coïncidence ! 
 
 L'œuvre de Christophe Honoré ne peut qu'exciter les méninges. Mais elle possède aussi ses limites. Toutes ces farandoles entre personnages à différentes époques de leurs vies, voire même avec des composantes psychologiques internes ( La "volonté", par exemple, personnifiée par Stéphane Roger ), finissent par afficher une artificialité gênante, en même temps qu'elles génèrent un étouffement progressif. Le jeu d'investigation auquel se livrent les protagonistes est brillant, virtuose, mais il finit par se montrer épuisant. Quant au jeu de Benjamin Biolay, uniformément monocorde, il laisse perplexe.
   
Bernard Sellier