Cœurs, film de Alain Resnais, commentaire

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Cœurs,
     2006, 
 
de : Alain  Resnais, 
 
  avec : Sabine Azema, Pierre Arditi, André Dussollier, Laura Morante,
 
Musique : Scott Walker

  
 
Quelques instantanés saisis dans les parcours vitaux d'un petit groupe de Parisiens. Il y a là Lionel (Pierre Arditi), serveur, qui vit avec son père Arthur, grabataire et hyper-agressif. Nicole (Laura Morante), qui cherche désespérément un appartement à partager avec son compagnon Dan (Lambert Wilson), ex-militaire devenu alcoolique. Thierry (André Dussollier), agent immobilier d'âge mûr, qui espère trouver en sa secrétaire Charlotte (Sabine Azema), confite en bondieuseries, une possible source de tendresse... 
 
 Depuis "La Ronde" de Max Ophüls en 1950, le cinéma a souvent choisi de grouper des personnalités diverses dont les destins se recoupent, s'entrechoquent, à la faveur d'événements parfois anodins. De multiples réussites récentes sont à marquer d'une pierre blanche. Chez nous, "L'Auberge espagnole", mais surtout "Love actually", "21 Grammes", ou encore le récent "Shortbus". Ce qui ravit, au premier chef, dans l'oeuvre de Resnais, comme bien souvent dans les films français, c'est la qualité de l'interprétation. Tous les personnages éclatent de naturel, de simplicité vraie, d'authenticité, de spontanéité. Leurs échanges sont empreints de fraicheur, d'émotion contenue, de drôlerie parfois. Tous sont des "coeurs" solitaires, plus ou moins désertiques, propriétaires de jardins secrets dont le mystère restera inviolé. Mais ils ne demandent qu'à voir fleurir de nouveau leurs pétales sensitifs. Leur papillonnement s'effectue d'ailleurs en permanence dans un Paris enneigé, dont le manteau blanc glacial est en harmonie avec la froideur apparente des échanges émotionnels. 
 
 Mais, si les acteurs sont merveilleux, si certains instants distillent une réelle magie, si nombre d'ingrédients sont délectables, il n'en demeure pas moins que cette mosaïque d'instantanés souffre de deux handicaps importants. D'abord une répétitivité qui devient monotone. Ensuite et surtout, une absence d'évolution, de progressivité, qui donne à l'ensemble l'aspect lissé d'une mer étale, sur laquelle d'infimes vaguelettes s'élèveraient ponctuellement sans parvenir à briser une persistante impression d'ennui distingué. Puisqu'il est question de palpitations sentimentales, de "coeurs" en émois, il est impossible que ne s'invite pas à la mémoire le dénouement enchanteur de "Shortbus", dans lequel les coeurs, justement, intimement liés aux corps, s'unissaient dans un choral extatique. 
 
 Une œuvre plaisante, subtilement écrite, mais dotée d'un pouvoir d'excitation et d'enchantement limité.
   
Bernard Sellier