Contre-enquête, film de Sidney Lumet, commentaire

  Bienvenue sur le site d'un manipulateur de mots, passionné d'écriture, de cinéma, de musique, d'ésotérisme...     

Contre-enquête,
     (Q & A),       1990, 
 
de : Sidney  Lumet, 
 
  avec : Nick Nolte, Charles S. Dutton, Armand Assante, Patrick O'Neal, Jenny Lumet, Luis Guzman, Timothy Hutton,
 
Musique : Ruben Blades


 
Mike Brennan (Nick Nolte) abat Tony Vasquez, un truand, à la sortie d'une boite de nuit et maquille le meurtre en légitime défense. Le jeune vice-Procureur Al Francis Reilly (Timothy Hutton) est chargé d'enquêter sur ce qui, pour le supérieur de Brennan, Kevin Quinn (Patrick O'Neal), doit être une formalité. Mais Reilly ne tarde pas à s'apercevoir que la réalité est peut-être différente... 
 
 Encore une fois, après "Serpico", Sidney Lumet se plonge dans la corruption policière, mais d'une manière moins "voyante", pourrait-on dire. Nous n'avons plus affaire à un flic idéaliste qui se la joue un peu folklore décalé, mais à un ex-flic devenu procureur, idéaliste lui aussi, dont la discrète abnégation se heurtera très rapidement aux réalités peu reluisantes des auto-amnisties que s'accordent de facto les diverses hiérarchies tant policières que gouvernementales ou judiciaires, afin que la solidité apparente du système perdure. Dans celui-ci, les protagonistes ne sont que des pions qui effectuent un travail en apparence indépendant, mais dont l'impact ne sera effectif que si la conclusion ne risque pas de déranger l'ordre consensuel établi. Il est symptomatique que la personnalité de Reilly, a priori le pôle central de cette histoire, représentant majeur de la Justice avec un grand "J", prenne très rapidement sa véritable place, c'est-à-dire celle d'une simple marionnette manipulée, tandis que les individualités extérieures au système, et en conflit avec lui, voient leurs influences et leurs auras décuplées. Ce sont donc Mike Brennan et Bobby Texaco (incarné par un magistral et charismatique Armand Assante), qui tiennent le haut du pavé dans cette intrigue aux ressorts et enjeux particulièrement sombres. Nick Nolte est impérial dans la peau de ce flic aux deux visages, tour à tour gouailleur et profondément mauvais, qui n'est pas sans évoquer, avec une dose d'extraversion supplémentaire, le futur flic pourri de "Training Day". 
 
 Intensément vibrant, magistralement construit, peuplé de personnages annexes dessinés avec acuité (le Porto-Ricain Valentin, le noir Chappie, l'Irlandais Quinn, l'avocat Juif Pearlstein...), l'oeuvre explore avec efficacité, fièvre et pessimisme, les souterrains d'une société où règnent, sous le masque d'un ordre respectable, la corruption, les haines raciales, les lâchetés, et dans laquelle le blanc et le noir se fondent dans un gris écoeurant. Passionnant.
   
Bernard Sellier